Pourquoi le cabinet Orrick a fait le choix d’Abidjan

Pour sa première implantation sur le continent, le cabinet d’avocats né aux États-Unis a préféré la capitale économique ivoirienne à Casablanca ou à Johannesburg. Un pari assumé.

Mitchell Zuklie (à g.) et Pascal Agboyibor, respectivement PDG et patron Afrique d’Orrick. © Vincent Fournier

Mitchell Zuklie (à g.) et Pascal Agboyibor, respectivement PDG et patron Afrique d’Orrick. © Vincent Fournier

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Publié le 19 octobre 2014 Lecture : 4 minutes.

C’est une première en Afrique de l’Ouest : l’un des plus grands cabinets d’avocats au monde s’implante physiquement dans un État de la région. Et c’est sur la Côte d’Ivoire qu’Orrick, 1 100 avocats dans 25 pays, a porté son choix. L’ouverture officielle des bureaux d’Abidjan est prévue le 20 octobre. « Nous sommes très excités par cette décision, qui est au coeur de la stratégie d’Orrick depuis un long moment », souligne Mitchell Zuklie, PDG du cabinet, dans un entretien exclusif à Jeune Afrique.

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« Le potentiel de l’Afrique est évident pour tout le monde désormais et cela fait trois à quatre ans que nous réfléchissons à nous y installer », précise Pascal Agboyibor, patron Afrique du cabinet, basé à Paris. « Les Chinois et les Européens y sont très actifs. Et les Américains, un peu en retrait, regardent très attentivement ce qui s’y passe, notamment dans le secteur énergétique », insiste le dirigeant de ce cabinet, né il y a environ cent cinquante ans en Californie.

Une première en Côte d’Ivoire

Orrick n’est pas le premier cabinet d’avocats d’affaires international à s’implanter en Afrique, mais il est l’un des très rares à ne pas avoir choisi Casablanca ou Johannesburg pour y débuter. Clifford Chance, Allen & Overy, Norton Rose Fulbright ou Baker & McKenzie se sont implantés au Maroc à partir de 2010, où ils ont notamment rejoint le français Gide, qui couvre également l’Algérie et la Tunisie au Maghreb.

Les grands cabinets internationaux sont aussi présents en Afrique du Sud. Linklaters s’y est d’ailleurs associé fin 2012 avec l’un des plus grands acteurs de la place, Webber Wentzel.

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Ailleurs, c’est le vide, ou presque. Norton Rose a bien ouvert en 2012 un bureau en Tanzanie pour profiter du boom pétrolier et gazier de la zone, mais le projet d’Herbert Smith Freehills à Conakry a fait long feu. Toutefois, les cabinets internationaux nouent de plus en plus souvent des relations privilégiées et contractuelles avec de grands noms locaux. Une manière temporaire d’être présent dans la zone.

Ghana, Togo, Sénégal, Côte d’Ivoire… Plusieurs pistes ont été sérieusement évoquées. Orrick, qui a conseillé Actis dans la reprise de la compagnie nationale d’électricité Sonel, au Cameroun, a contribué à la relance du mégaprojet hydroélectrique Inga en RD Congo, ou accompagné la Guinée dans la revue de ses titres miniers, aurait aussi pu choisir chacun de ces pays pour s’y implanter.

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Comme le rappelle Pascal Agboyibor, « la preuve de la détermination d’Orrick et de l’importance de ce choix », c’est que Mitchell Zuklie s’est rendu en personne au Ghana et au Togo en avril 2013, puis à Abidjan en juin 2014 pour évaluer les possibilités. Un comité a également été constitué afin de mesurer la pertinence d’une implantation au regard des trois grands secteurs prioritaires d’Orrick : l’énergie et les infrastructures, la finance et les technologies.

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« Plusieurs firmes juridiques mondiales ont donné la priorité à Johannesburg, à Casablanca ou à Lagos, souligne Pascal Agboyibor. Nous avons choisi Abidjan pour plusieurs raisons. D’abord, une institution comme la Banque africaine de développement [BAD] y revient. Ensuite, le pays donne accès à tous les membres de la zone Ohada [Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires], soit 17 pays. Enfin, un nombre croissant d’opérateurs mondiaux s’installent en Côte d’Ivoire. »

Silicon Valley

Depuis quelques semaines, les équipes sont en place. Sydney Domoraud-Operi, entré chez Orrick en 2010, et Karamoko Fadiga, venu du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF), ont commencé à travailler. « Trois autres juristes les rejoignent », ajoute Pascal Agboyibor. Une formation 100 % ivoirienne, dans le respect de la loi. Pour sa filiale, baptisée Orrick RCI, l’entreprise a opté en faveur d’un statut de conseil juridique et non de cabinet d’avocats. Un choix en phase avec l’essentiel de ses activités actuelles et futures dans la région : le conseil, l’accompagnement de transaction et l’arbitrage. Les membres d’Orrick ne pourront donc pas plaider devant un tribunal. « Mais en raison d’accords entre États, tout avocat français y est autorisé. Cela ne sera donc pas un souci », tempère Pascal Agboyibor.

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L’ouverture d’un bureau sur le continent s’inscrit dans une logique mondiale pour Orrick. L’équipe Afrique, renforcée il y a peu par l’arrivée du Franco-Camerounais Jean-Jacques Essombè, en provenance d’Heenan Blaikie, compte une cinquantaine d’avocats, principalement à Paris et à Londres, mais aussi à Washington, Shanghai et Hong Kong. Le bureau ivoirien offrira aux multinationales clientes d’Orrick et aux États africains (notamment dans le cadre de leurs projets énergétiques) des interlocuteurs sur place. Il espère même attirer dans la région des géants de la Silicon Valley comme Facebook, Google ou Instagram, qu’Orrick connaît bien. Les entreprises panafricaines sont également dans sa ligne de mire.

Big Four

De quoi damer le pion aux cabinets en place, dont certains ont désormais une excellente réputation ? « Nous ne nous établissons pas à Abidjan pour entrer en compétition avec les acteurs locaux », proteste Pascal Agboyibor. Interrogé par Jeune Afrique, l’un d’entre eux aurait plutôt tendance à se réjouir de cette arrivée. « Les Big Four de l’audit et de la comptabilité sont tous installés sur le continent. Il faut donc des relais juridiques à même de rassurer les investisseurs internationaux, explique-t-il. Cela stimulera les cabinets locaux, apportera de l’expertise et offrira des opportunités supplémentaires aux juristes africains, trop souvent obligés de demeurer à Paris ou à Londres.

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« Complétée par des accords préférentiels avec des cabinets installés au Kenya et au Nigeria, cette implantation sera attentivement suivie par les confrères et concurrents d’Orrick (lire encadré). « Notre objectif est de connaître le succès, résume – à l’américaine – Mitchell Zuklie. Notre business plan est solide. » Pascal Agboyibor en est convaincu : « Si cette implantation est une réussite pour Orrick, d’autres suivront. C’est un métier où l’on aime se copier ! »

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