Mali : les Casques bleus, cibles privilégiées des jihadistes

Rarement mission onusienne aura autant été prise pour cible. Dans le Nord, les soldats de la Minusma sont seuls et en première ligne. Mines, tirs de roquettes et attentats ont déjà fait 31 morts.

Cérémonie en honneur des neuf Nigériens tués dans la région de Gao. © UN

Cérémonie en honneur des neuf Nigériens tués dans la région de Gao. © UN

Publié le 23 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

Une mine opportunément posée sur une route près d’Aguelhok, le 19 septembre : 5 morts, tous des Tchadiens. Une attaque au lance-roquettes contre un convoi empruntant l’axe Ansongo-Ménaka, le 3 octobre : 9 morts (des Nigériens). Une salve d’obus de mortier tirée sur le camp de Kidal quatre jours plus tard : 1 mort (un Sénégalais)… À New York comme à Bamako, dans l’hôtel L’Amitié, qui sert de quartier général à la Minusma, la litanie des pertes passe mal. "Les Casques bleus sont la cible numéro un des jihadistes", déplore une source interne à la mission onusienne.

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Depuis que celle-ci a pris le relais de la force ouest-africaine, en juillet 2013, elle a vu 31 de ses hommes périr, soit un bilan trois fois plus lourd que pour les Français (9 morts). La courbe de ces pertes est comparable à celle des morts d’Ebola : après un départ en "douceur", celle-ci atteint désormais des sommets. En quatre mois, la Minusma, qui compte 8 300 soldats répartis en une douzaine de bases (et 970 policiers), a subi une trentaine d’attaques.

Plusieurs raisons expliquent cette inflation : le retrait aussi massif que soudain des forces maliennes, absentes d’une grande partie du Nord-Mali depuis la débâcle de Kidal, le 21 mai ; le retrait, plus progressif, des forces françaises, qui se réorganisent depuis quelques mois et n’ont plus ni les moyens ni l’ambition de sécuriser le territoire ; l’incapacité des groupes rebelles à maintenir l’ordre dans les zones qu’ils disent contrôler ; ou encore la réorganisation des groupes jihadistes, qui, après avoir courbé l’échine au plus fort de l’opération Serval, ont repris du poil de la bête.

"On est dans une situation où l’on ne sait plus qui est qui, explique le Premier ministre malien, Moussa Mara. Les terroristes ont compris : ils se rasent la barbe, portent des pantalons longs… Quand ils se présentent aux check-points, ils présentent la bannière ou un laissez-passer des groupes armés et, 100 mètres plus loin, ils posent une mine."

Et puis, il y a l’impréparation des Casques bleus et leur manque de moyens. "Quand nous, nous sortons, explique un officier français, nous avons une compagnie du génie et nous bénéficions du soutien aérien, drones ou hélicoptères. Eux n’ont rien." Hormis la centaine de membres des forces spéciales néerlandaises – qui ne sont, jusqu’à présent, jamais intervenues -, rares sont les éléments formés aux guerres asymétriques.

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"On sert de boucliers"

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Excédées par les nombreuses pertes qu’elles ont eu à déplorer, les autorités tchadiennes ont haussé le ton fin septembre. "On sert de boucliers", peste-t-on à N’Djamena. De fait, pour l’heure, ce sont eux (et les Nigériens) qui se trouvent dans les zones les plus sensibles. Mais, en coulisses, un départ n’a jamais été envisagé. Il s’agissait surtout de grappiller du matériel et des garanties – ce qu’ils ont obtenu.

Ainsi, il n’est pas question pour la Minusma de se retirer. Au contraire, l’objectif est, selon le dernier rapport de l’ONU consacré au Mali, d’"étendre son champ d’action au-delà des principaux centres de population". Une réorganisation est en cours. De passage à Bamako, le 7 octobre, Hervé Ladsous, le secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix à l’ONU, a annoncé ce que les Maliens réclament depuis des mois : un "durcissement" du dispositif.

"Ce n’est plus un contexte de maintien de la paix", a-t-il affirmé, employant un ton martial dont les représentants de l’ONU sont peu coutumiers. À ses troupes, il a promis des formations, des engins antimines, des drones de surveillance, des blindés… La Minusma attend aussi une plus forte implication de la France, dont on dit, à l’hôtel L’Amitié, qu’elle a quitté un peu trop vite un théâtre qu’elle croyait à tort nettoyé.

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