Côte d’Ivoire : coup de mou pour l’hévéa

Alors que le cours du caoutchouc ne cesse de baisser depuis trois ans, les producteurs font le dos rond en attendant des jours meilleurs. Et demandent au gouvernement de moins taxer leur activité.

Environ 180 000 hectares d’hévéas sont en production en Côte d’Ivoire. © Olivier/JA

Environ 180 000 hectares d’hévéas sont en production en Côte d’Ivoire. © Olivier/JA

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Publié le 29 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

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« Il faut accepter la faiblesse actuelle du cours et attendre que ça passe », lâche, résigné, un professionnel du secteur de l’hévéa. Car après une augmentation quasi ininterrompue (à l’exception de l’année 2009) du prix moyen du caoutchouc naturel payé aux producteurs ivoiriens entre 2004 et 2011 (il est passé de 217 à 766 F CFA le kilo), celui-ci n’a depuis cessé de baisser. En 2013, il se situait à 445 F CFA (0,68 euro). Cause principale : le ralentissement de la demande des fabricants de pneus.

Cette chute du prix a beaucoup pesé sur les résultats des producteurs ivoiriens. La Société internationale de plantations d’hévéas (SIPH), leader ouest-africain du caoutchouc naturel et filiale de Sifca, a ainsi vu son chiffre d’affaires passer de 422,3 millions d’euros en 2011, au plus fort de la hausse, à 365,1 millions d’euros en 2013, pour une perte nette de 36,2 millions d’euros. À la Bourse de Paris, mi-août, l’action de la SIPH a frôlé les 30 euros, son plus faible niveau depuis 2009.

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Après avoir été planté à tour de bras à la fin des années 2000, l’hévéa risque-t-il donc de voir les petits producteurs abandonner cette culture, privant ainsi les industriels de matière première ? C’est peu probable pour trois raisons. Premièrement : malgré la baisse spectaculaire enregistrée depuis 2011, les cours restent aujourd’hui proches du niveau observé en 2007-2008, et l’hévéa offre encore des revenus supérieurs à la culture du cacao, observe l’agroéconomiste Frédéric Varlet.

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Deuxièmement : la consommation mondiale de caoutchouc naturel devrait continuer d’augmenter. Elle est passée de 10,7 millions de tonnes en 2010 à 11,2 millions en 2013, selon le rapport « Cyclope » sur les matières premières. Troisièmement : coutumiers des aléas des cultures destinées à l’exportation, les producteurs ivoiriens ont pris l’habitude de ne pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier : cacaotiers, palmiers à huile et hévéas se partagent leurs parcelles. Parmi ces cultures, l’hévéa, qui réclame relativement peu d’intrants et d’entretien, est un placement de long terme, la récolte s’étalant sur une vingtaine d’années.

Pression

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« Si la filière est à la peine, c’est moins à cause de la chute des cours que de la taxe de 5 % imposée en 2012 sur nos chiffres d’affaires par le gouvernement », explique Koffi Koffi, responsable financier de l’Ivoirienne d’hévéa. Entre 2012 et 2014, cette fiscalité a apporté 34 milliards de F CFA à l’État. Conséquence : si les investissements dans la production de plants se poursuivent, ceux destinés a améliorer les unités de transformation sont suspendus ou rééchelonnés.

« Si la filière est à la peine, c’est moins à cause de la chute des cours que de la taxe de 5 % imposée en 2012 sur nos chiffres d’affaires par le gouvernement », estime un expert.

Depuis que Bertrand Vignes, directeur général de Sifca, le premier employeur privé du pays, a tapé du poing sur la table, le gouvernement ivoirien semble enfin porter de l’attention aux revendications des professionnels de l’hévéa. Début août, la taxe de 5 % a été nivelée : maintenue pour un cours supérieur à 1 600 F CFA le kilo, elle varie désormais entre 2,5 % et 3,5 % pour un cours compris entre 1 000 et 1 600 F CFA le kilo. Mais pour les opérateurs, la taxe doit être totalement abandonnée.

Pour mettre la pression sur Abidjan, ils ont interrompu depuis janvier 2014 leurs cotisations au Fonds de développement de l’hévéa. Lancé en 2010, celui-ci vise à porter la production de caoutchouc du pays à 600 000 tonnes en 2020, notamment en subventionnant le coût des plants. Grâce à ce fonds, 70 000 nouveaux hectares d’hévéas ont été plantés en trois ans. Pas certain que l’objectif de 200 000 prévu d’ici à 2020 soit atteint, laissent entendre les industriels. Le gouvernement, qui a repris cet objectif dans sa communication sur « l’émergence du pays », est averti.

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