Douala, port de l’angoisse

L’infrastructure par laquelle transite le commerce du Cameroun, du Tchad et de la Centrafrique est au bord de l’asphyxie. Les opérateurs publics et privés gèrent l’urgence, mais les solutions de long terme se font attendre.

Environ 90 % des marchandises expédiées au Cameroun et en Centrafrique transitent par le port de Douala. © Renaud Van Der Meeren/Éditions du Jaguar

Environ 90 % des marchandises expédiées au Cameroun et en Centrafrique transitent par le port de Douala. © Renaud Van Der Meeren/Éditions du Jaguar

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Publié le 22 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Dans la moiteur de Douala, la capitale économique du Cameroun, l’activité du port ne connaît pas de répit. Ce 18 août, deux portiques de quai extirpent les conteneurs des soutes de deux bateaux, l’un battant pavillon libérien, l’autre, chinois. Il y a quelques semaines, la règle était de ne décharger qu’un navire à la fois. Mais il a fallu augmenter la cadence.

Car ce port, l’une des principales portes d’entrée d’Afrique centrale, qui voit transiter plus de 90 % des exportations et des importations du Cameroun, du Tchad et de la Centrafrique, est saturé depuis plusieurs mois. La situation est critique, notamment au terminal à conteneurs, Douala International Terminal (DIT), dont le concessionnaire est le consortium formé par le français Bolloré et le danois Maersk. Les raisons de cet engorgement : la vétusté de certains équipements par manque d’investissements, mais aussi l’ensablement, faute de dragage. En 2013, près de 30 navires se sont échoués le long du chenal d’accès.

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En juin dernier, la situation est devenue critique. Alors que sa capacité de stockage est de 14 000 EVP (équivalent conteneurs de vingt pieds), le port en reçoit 19 000 unités. Deux mois plus tôt, le parc à bois comptait quelque 160 000 m3 de grumes alors qu’il est dimensionné pour en accueillir 90 000 m3.

Pour les consommateurs du Cameroun et de la sous-région, l’engorgement du port de Douala se traduit par une hausse des prix des produits importés.

Improvisation

Pour faire face à cette situation, les autorités portuaires ont dû improviser. « Les exploitants camerounais disposent de terrains à la périphérie de Douala où ils peuvent stocker leur bois. Mais ce n’est pas le cas des opérateurs centrafricains et congolais. Nous avons donc été obligés d’accueillir leurs grumes venues de l’hinterland », témoigne Philémon Mendo, le directeur général adjoint de la Société d’exploitation des parcs à bois du Cameroun (SEPBC, une filiale de Bolloré Africa Logistics).

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En cet après-midi d’août, 24 navires attendaient au niveau de la bouée de base de pouvoir accoster pour être déchargés. « Les bateaux continuent de rester trois semaines en moyenne dans cette zone d’attente en mer, mais il y a une légère amélioration », précise Célestin Tawamba, PDG de Pasta Panzani et, à ce titre, gros importateur de blé. « Jusqu’à récemment, ils étaient souvent immobilisés quatre à cinq semaines, voire plus. »

L’embouteillage de ce port fluvial a un coût. Pour compenser les délais et les immobilisations, « les armateurs exigent des taux de fret [prix du transport] plus élevés », note Josué Youmba, le directeur général de l’Autorité portuaire nationale (APN). Après avoir augmenté ses tarifs de 150 dollars (114 euros) par EVP en début d’année, Mediterranean Shipping Company (MSC) refuse désormais de charger des marchandises à destination de Douala. Quant à Maersk, il multiplie les pénalités, lorsqu’il ne réoriente pas les marchandises vers Pointe-Noire, le port du Congo voisin. « Nous explorons les possibilités qu’offrent les ports de Cotonou et Port-Soudan », souligne Ahmat Goni Bichara, directeur général de AGB Transit et président des transitaires du Tchad.

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Conséquences

Pour les consommateurs du Cameroun et de la sous-région, l’engorgement du port de Douala se traduit par une hausse des prix des produits importés. Et, pour les entrepreneurs, les délais ont un impact sur la production. « Nous subissons une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 15 % à 20 % en raison des ruptures d’approvisionnement de notre matière première », constate Célestin Tawamba.

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Durant ce mois d’août, chez le concessionnaire du terminal à conteneurs, l’objectif est donc celui d’un « retour à la normale ». « APM Terminals [une filiale de Maersk] a donné un sérieux coup de pouce en chargeant plus de 4 000 EVP pour l’export », témoigne un armateur qui reconnaît « l’amorce d’une décongestion ».

Quatre portiques de parc, que DIT a acquis pour 7 milliards de F CFA (10,6 millions d’euros), sont entrés en action fin août. Parallèlement, au parc à bois, où la SEPBC a réalisé un investissement de plus de deux milliards de F CFA pour aménager des espaces supplémentaires, le rythme de l’embarquement des grumes s’accélère, atteignant 3 500 m3 par jour contre 2 100 m3 il y a quelques semaines.

JA2800p099info Cameroun DoualaMais avec la reprise des exportations de cacao en septembre, le concessionnaire du terminal à conteneurs redoute un nouvel afflux de marchandise qui anéantirait les efforts de ces dernières semaines.

Doublement

Car le problème est structurel. En 2013, le port de Douala a vu transiter près de 11 millions de tonnes de marchandises alors qu’il avait été configuré en 1980, date des derniers investissements d’extension, pour en traiter 10 millions. Pour cette année, les estimations de trafic tablent sur 13 millions de tonnes. Et le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) anticipe un doublement de ce tonnage d’ici à 2020. Malgré ces projections, aucun plan directeur n’a été mis en place.

La réouverture du parc à bois de Kribi est envisagée comme une solution d’urgence. Dans cette cité balnéaire située à 150 km au sud de Douala, la construction d’un port en eau profonde a coûté plus de 430 millions d’euros. Mais si l’infrastructure est prête, l’installation des différents acteurs de la chaîne portuaire tarde à se concrétiser. Les candidatures des postulants à la gestion des terminaux de vrac – le danois APM Terminals, le philippin International Container Terminal Services, le français Necotrans, Marsa Maroc (ex-Société d’exploitation des ports) et le belge Sea Invest – sont toujours en cours d’examen.

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