Côte d’Ivoire : Abidjan et ses drôles de dames

Trois filles ont débarqué sur les bords de la lagune Ébrié. L’une y a créé sa société, une autre y est auditrice financière pour un grand cabinet, la dernière participe à la réinstallation de la BAD.

De g. à dr. : Djeneba Gory, Joanna Busby, Haoua Mamoudou. © Ananias Leki Dago pour J.A.

De g. à dr. : Djeneba Gory, Joanna Busby, Haoua Mamoudou. © Ananias Leki Dago pour J.A.

Publié le 30 juillet 2014 Lecture : 4 minutes.

Lundi 21 juillet. En ce début de semaine, Abidjan semble plus animé que jamais. Dans le quartier d’affaires du Plateau, on s’agite. Un flot de travailleurs en tout genre envahit les rues, tandis que dans les embouteillages on joue du rétroviseur entre 4×4 bling-bling et taxis déglingués.

À 10 h 30, premier texto : "Problème logistique. Est-ce qu’on peut se voir en dehors du bureau ?" Pour Haoua Mamoudou, les journées de travail commencent souvent par de petits imprévus. Au sortir d’un rendez-vous, elle débarque en taxi, en tailleur-pantalon, petits talons et lunettes carrées.

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>> En photo : la Franco-Nigérienne Haoua Mamoudou. © Ananias Leki Dago pour J.A.

À 31 ans, la businesswoman est à la tête de Focus Ventures (West Africa), une société qui accompagne les entreprises souhaitant s’implanter en Afrique de l’Ouest ou y développer leurs activités. "Un créneau sur lequel il y a de plus en plus de monde", admet-elle. Mais elle a l’avantage d’être sur le terrain depuis plusieurs années.

Franco-nigérienne, multidiplômée (business international à l’université de Caen et ingénierie financière à l’université Paris-XII, en France, cursus complété à l’université nationale de Yokohama, au Japon), Haoua Mamoudou a vécu par intermittence à Abidjan entre 2009 et 2011, lorsqu’elle travaillait pour une société de microfinance. Elle s’y est installée définitivement début 2013. "J’avais une vision assez optimiste de ce que serait la Côte d’Ivoire postcrise et me suis dit que le pays bénéficierait d’un effet de rebond économique, explique-t-elle, smartphone et tablette électronique en mains. J’ai donc pris le pari d’y démarrer ma propre activité. Un choix que je ne regrette absolument pas."

Et pour cause : en moins de deux ans, son entreprise a déjà accompagné près d’une vingtaine de clients, s’est agrandie, et a recruté deux nouveaux collaborateurs. "Abidjan a toujours été un hub pour les affaires. Mais il a quelque chose de plus que les autres, ajoute-t-elle. C’est l’une des rares villes du continent où l’on peut rêver de devenir qui l’on veut vraiment, quelles que soient nos origines. Dire cela peut sembler un peu laudateur, mais c’est une réalité."

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Participer au développement économique du continent

Comme Haoua, de plus en plus de femmes ouest-africaines choisissent de s’installer dans la capitale économique ivoirienne. Pas pour suivre un mari ou un compagnon, mais parce qu’elles l’ont décidé toutes seules. Jeunes, dynamiques, ultradiplômées, elles auraient pu travailler à Paris, partir pour Londres, New York ou Hong Kong, mais ont préféré les bords de la lagune Ébrié. Désir de profiter et de participer au développement économique du continent, attachement pour le pays ou simple opportunité de carrière, leurs motivations sont diverses.

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Il est 12 h 30. Djeneba Gory, 29 ans, se démène, elle aussi, en taxi. Texto : "Je suis un peu en retard, mais on peut se voir maintenant…" Elle revient de l’ambassade du Burkina Faso, où elle a demandé un visa pour sa prochaine mission. Auditrice financière expérimentée chez KPMG, le leader international de l’audit, elle a rejoint le bureau régional du groupe à Abidjan il y a tout juste sept mois. L’avenir dans l’Hexagone de cette Franco-Malienne diplômée de l’ESCP Europe, célèbre école de commerce française, semblait plus ou moins tracé.


La Franco-Malienne Djeneba Gory. © Ananias Leki Dago pour J.A.

C’était compter sans son envie de voyager et de travailler sur des projets de développement. "Je voulais vraiment venir en Afrique, dit-elle dans un phrasé aussi rapide que parisien. J’ai contacté les associés à Abidjan, où je n’avais jamais mis les pieds, pour le leur expliquer. Et tout s’est enchaîné très rapidement. Six mois plus tard, je faisais mes valises."

Peut-être même un peu trop rapidement d’ailleurs, vu la petite période de galère qu’elle a traversée lors d’une intense recherche d’appartement… Le retour des "cerveaux" de la diaspora ivoirienne et l’arrivée de nombreux cadres étrangers créent en effet une inflation des loyers et une pénurie d’appartements milieu et haut de gamme. Certains propriétaires vont même jusqu’à demander sept ou huit mois de caution.

Un choix de raison

Un sujet que connaît bien Joanna Busby, 27 ans, américaine et consultante en communication interne au sein de la Banque africaine de développement (BAD). Son job ? Gérer en interne l’information relative au (re)déménagement de la BAD et de ses employés du siège "provisoire" de Tunis à celui d’Abidjan. 

Diplômée de la prestigieuse université américaine Yale et de Sciences-Po Paris, elle est à Abidjan depuis février. "Un choix de raison plus qu’un coup de foudre pour le pays", avoue-t-elle. Jolie robe, collier en perles et talons hauts, elle ajoute, en passant de l’anglais à un français teinté d’accent tantôt très franchouillard, tantôt ivoirien : "Il n’y a pas vraiment de hasard, si on est de plus en plus nombreux ici, c’est qu’il s’y passe des choses, que tout explose ! Contrairement aux pays européens, par exemple, où c’est encore la crise."


L’Américaine Joanna Busby. © Ananias Leki Dago pour J.A.

Il est 17 heures. Plus de textos, mais du chocolat chaud et des petits gâteaux à la cafétéria du nouveau siège de la BAD. De toute façon, il est préférable de ne pas partir maintenant : dehors, c’est le grand rush de sortie des bureaux. Et comme Joanna Busby se déplace elle aussi en taxi, mieux vaut en profiter pour rester travailler un peu plus tard.

Le transport et le téléphone… Deux des postes de dépenses les plus élevées à Abidjan, selon les trois drôles de dames. Qui conseillent vivement à ceux et – surtout – à celles qui sont tentés par l’aventure de bien prendre en compte ces réalités pratiques et financières.

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