État islamique : Al-Baghdadi et le mythe du califat

Débarrassé de ses parts d’ombre, le califat rétabli par Baghdadi demeure une légende dans l’esprit de nombreux musulmans.

Capture d’écran d’une vidéo de propagande du chef de l’Etat islamique (EI), Abou Bakr Al-Baghdadi.

Capture d’écran d’une vidéo de propagande du chef de l’Etat islamique (EI), Abou Bakr Al-Baghdadi.

Publié le 28 juillet 2014 Lecture : 2 minutes.

Le 3 mars 1924, les troupes républicaines de Mustafa Kemal encerclent le palais Dolmabahçe, pour en expulser Abdülmecid II, qui y résidait encore avec le titre de calife. Le même jour, le Parlement d’Ankara venait d’abolir cette dernière relique de l’Empire ottoman. Abdülmecid dut quitter ses cours de musique, abandonner ses lectures des grands auteurs français (Montaigne, Hugo) et le faste de la vie de palais.

Empruntant l’Orient-Express, il fuit vers l’Europe et finit par s’installer à Nice. Il ne retrouvera plus jamais son titre religieux. Après la disparition du sultanat, pouvoir politique, vient la fin du califat… Depuis cette époque, son évocation relève du mythe d’un âge d’or. Avant l’annonce fracassante de son rétablissement par Abou Bakr al-Baghdadi, aucun leader du monde musulman n’avait revendiqué un pouvoir aussi prestigieux, associé aux grands empires multinationaux unis par la foi en l’islam. Oussama Ben Laden considérait le califat comme un objectif ultime.

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Même le mollah Omar, chef des talibans, s’est arrêté au titre d’Amir al-Mouminine (Commandeur des croyants). Baghdadi est peut-être d’une génération plus impatiente que les chefs d’Al-Qaïda. Comme si, enhardis par leurs avancées de part et d’autre de la frontière syro-irakienne, ces soldats se prenaient à rêver d’un empire sans limites.

Des souverains parfaits, touchés par la grâce

Les premiers califes (khûlafa rachidûn, littéralement "successeurs éclairés") ont porté par le fer le message du prophète Mohammed. En une douzaine d’années, Abou Bakr As Siddiq et Omar Ibn al-Khattab ont conquis la Péninsule arabique, Damas, la Mésopotamie, la Perse, Jérusalem, le nord de l’Égypte, la Cyrénaïque. Compagnons du prophète, les quatre premiers califes (en plus des deux précités, Othman et Ali) restent dans l’imaginaire de nombreux musulmans des souverains parfaits, touchés par la grâce.

C’est oublier que la même période était synonyme d’intrigues et de violences : excepté Abou Bakr, mort de vieillesse après un très court règne, Omar, Othman et Ali finirent tous assassinés. Reste le prestige accolé au califat, que perpétuèrent les Omeyyades puis les Abbassides. Ces derniers restent – avec la Maison de la sagesse (Bayt al-Hikma) du calife Haroun al-Rachid et de son fils al-Mamun – associés au plus grand effort de traduction du Moyen Âge.

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De nombreux textes, traités et ouvrages dans des matières aussi variées que la philosophie, les mathématiques, la médecine, l’astronomie et d’autres sciences furent ainsi traduits du grec. Pas sûr que Baghdadi évoque ce califat-là…

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