Espagne : le roi d’Espagne a-t-il comploté contre le gouvernement dans les années 1980 ?

Le roi d’Espagne a-t-il, en 1980, donné son feu vert à une tentative de coup d’État militaire ? C’est la thèse d’un livre qui fait scandale.

Juan Carlos et Adolfo Suárez premier chef du gouvernement de l’après-franquisme (en 2002). © DE/EFE AGENCIA/SIPA

Juan Carlos et Adolfo Suárez premier chef du gouvernement de l’après-franquisme (en 2002). © DE/EFE AGENCIA/SIPA

Publié le 17 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

Madrid, 23 février 1981, 18 h 21. Flanqué d’un groupe de gardes civils armés jusqu’aux dents, le lieutenant-colonel Antonio Tejero pénètre dans l’hémicycle du Congrès des députés et interrompt la séance. C’est une tentative de coup d’État. L’affaire échoue quelques heures plus tard. Grâce au roi, Juan Carlos, qui, à la télévision, défend la Constitution et relève de leurs fonctions les généraux rebelles. Présente ce jour-là dans la tribune de presse, la journaliste Pilar Urbano a choisi de raconter dans un livre intitulé Le Grand Oubli (La Gran Desmemoria. Lo que Suárez olvidó y el rey prefiere no recordar (Planeta, 2014)) les dessous de l’événement. Le moins que l’on puisse dire est que l’aura de héros attachée depuis trente ans au souverain en prend un sacré coup. Il est vrai qu’Urbano n’a jamais été très tendre avec la monarchie espagnole, qu’elle a égratignée dans plusieurs essais très documentés…

Cette fois, elle soutient que Juan Carlos a, en réalité, comploté pour évincer son ami Adolfo Suárez, chef du gouvernement de transition après la mort du dictateur Francisco Franco, en novembre 1975. Le 5 juillet 1980, à la résidence royale de la Zarzuela, il aurait donné son feu vert à l’opération Armada, du nom du général qui, si le coup d’État avait réussi, était censé remplacer Suárez.

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Ancien cadre du franquisme, ce dernier avait pris les rênes du gouvernement en juillet 1976, mais sa politique de réformes (liquidation du franquisme, autorisation des partis politiques, etc.) lui avait vite attiré l’hostilité des militaires. Affaibli au sein de son parti, l’Union du centre démocratique (UCD), et privé du soutien du roi, il démissionne le 29 janvier 1981. Mais il est déjà trop tard. Mécontents du choix de Leopoldo Calvo-Sotelo pour le remplacer, les militaires persistent dans leur projet putschiste et passent à l’action le 23 février… "La chute de Suárez suffisait au roi, il ne voulait pas que le coup d’État ait lieu, précise Pilar Urbano. Mais il a eu lieu quand même, et Suárez a immédiatement compris que Juan Carlos l’avait trahi."

Victime d’Alzheimer, Adolfo Suarez ne se souvenait plus avoir dirigé le pays

Le livre, on l’imagine, suscite la polémique. Surtout depuis le décès d’Adolfo Suárez, le 23 mars. Victime de la maladie d’Alzheimer depuis 2005, l’ancien chef de gouvernement ne se souvenait plus avoir dirigé le pays. Ce n’est donc pas lui qui risquait d’infirmer ou de confirmer la thèse de la journaliste. La famille royale a quant à elle publié un démenti, et le fils du défunt a demandé le retrait de l’ouvrage. "Quand il lira le livre, il me remerciera : c’est un monument à la mémoire de son père, ce grand d’Espagne", a répondu Urbano.

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