Aïda Diarra, « Madame Afrique » de Western Union

La Malienne Aïda Diarra est vice-présidente Afrique de Western Union. Son défi : innover pour préserver le leadership du groupe américain dans les flux d’argent à destination du continent.

Aïda Diarra est née à Dakar et a fait ses études universitaires au Sénégal. © Camille Millerand/JA

Aïda Diarra est née à Dakar et a fait ses études universitaires au Sénégal. © Camille Millerand/JA

Publié le 17 avril 2014 Lecture : 5 minutes.

Une femme, qui plus est encore jeune, nommée patronne pour l’Afrique d’un acteur majeur de la finance ? L’événement est assez rare pour être souligné. L’heureuse élue s’appelle Aïda Diarra, 44 ans. Vice-présidente de l’américain Western Union depuis 2006, elle vient de prendre les rênes du géant mondial du transfert d’argent à l’échelle de tout le continent.

Née à Dakar d’un père malien professeur à l’université d’Abidjan et d’une mère nigérienne diplomate à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, cette dame à la voix douce et au rire communicatif est issue d’une lignée de femmes de caractère. « Ma grand-mère était une avant-gardiste et ma mère a toujours surpris son entourage par son audace, se rappelle-t-elle. En ce qui me concerne, il était évident que je devais réussir mes études pour ouvrir mes perspectives d’avenir. »

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Dans sa jeunesse, Aïda Diarra parcourt l’Afrique, du Sénégal à la Côte d’Ivoire et jusqu’en Éthiopie, où elle va au lycée. Puis direction la France, où elle décroche un diplôme de finance et d’économie à l’American Business School de Paris, avant de gagner les États-Unis pour obtenir un MBA de gestion et affaires internationales à l’université de Hartford, dans le Connecticut.

Quand quelqu’un nous dit qu’il a pu faire soigner sa mère à l’hôpital grâce à nos services, on se dit que même établi aux États-Unis, on peut avoir un impact sur place.

Diaspora

À 25 ans, elle choisit l’entrepreneuriat et reste aux États-Unis pour monter, avec un associé, malien lui aussi, Electro Ink Jet, une société d’import-export de matériel de télécoms. Alors que le boom de la téléphonie mobile commence à peine, cette activité lui permet de reprendre contact avec l’Afrique, où elle fournit des sociétés de télécommunications.

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L’expérience dure cinq ans, jusqu’à ce qu’elle rompe avec son associé, précisément parce qu’elle souhaitait privilégier le développement panafricain de leur entreprise. « Nous étions d’accord pour ne pas être d’accord », sourit-elle aujourd’hui.

Aïda Diarra rejoint alors Western Union. En 1999, le numéro un mondial du transfert de fonds, basé dans le Colorado, lui offre une carrière qui satisfait à la fois son esprit d’entreprise et son envie de travailler avec le continent. En tant que directrice marketing adjointe, elle est chargée du développement des flux en direction de l’Afrique, quatre ans après les premiers développements de Western Union dans la région – au Ghana, précisément. En pratique, elle identifie les communautés africaines dispersées à travers le territoire américain : Éthiopiens de Washington, Maliens de Cincinnati, Cap-Verdiens de Boston, Nigérians de Caroline du Nord…

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Aida Diarra parcours JA2778Ce métier lui permet d’offrir un service qu’elle juge indispensable à une diaspora dont elle fait elle-même partie. « Quand on est un Africain à l’étranger, on comprend l’importance d’accompagner sa famille, souligne-t-elle. Quand quelqu’un nous dit qu’il a pu envoyer sa fille à l’école ou faire soigner sa mère à l’hôpital grâce à nos services, on se dit que même établi aux États-Unis, on peut avoir un impact sur place. »

Promotion

Devenue entre-temps directrice marketing pour l’Afrique, Aïda Diarra rejoint les équipes de Casablanca en 2004. « Mon choix en a surpris plus d’un, se souvient-elle. Normalement, on part de l’Afrique pour rejoindre les États-Unis, pas l’inverse ! » À partir de là, elle gravit rapidement les échelons pour finir par prendre la direction des activités de Western Union sur tout le continent africain, début 2014. Sous sa responsabilité, une soixantaine de personnes réparties dans trois bureaux (Casablanca, Lagos et Johannesburg) et un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros (en 2013, les revenus cumulés Afrique et Moyen-Orient ont atteint 640 millions d’euros).

Pas certain que cette promotion soit un cadeau. Pour faire face aux défis qui l’attendent, Aïda Diarra devra à la fois faire preuve de diplomatie et d’une grande habileté de gestionnaire. Dans ce domaine, son admiration pour l’intraitable Jack Welch, l’ex-patron emblématique de General Electric – « un leader hors pair », selon elle -, pourrait se révéler utile. Elle devra d’abord répondre aux critiques adressées aux deux géants du transfert d’argent, Western Union et MoneyGram, accusés de profiter de leur situation de duopole pour pratiquer des tarifs élevés : la Banque mondiale évalue leur commission moyenne à 13 % des flux en direction de l’Afrique, contre 7,1 % pour l’Asie du Sud.

Service

Aïda Diarra préfère axer le débat sur la qualité du service rendu et sur la question de l’inclusion financière. « Je suis persuadée que nous avons joué un rôle très important pour permettre aux plus pauvres d’accéder aux services financiers grâce à nos 27 000 points de vente. Et si nos partenaires bancaires ont pu étendre leurs réseaux d’agences, c’est en partie grâce aux flux générés par les transferts des migrants. »

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L’autre défi, pour Western Union, est technologique. Ces dernières années, de nouveaux prestataires innovants sont arrivés sur le marché avec le désir de grignoter des parts du gâteau des transferts de fonds en direction de l’Afrique, estimé à 46,5 milliards d’euros en 2013. Mais Aïda Diarra n’entend pas s’en laisser conter : « Nous devons développer des solutions permettant de cibler des personnes qu’on n’arrive pas à atteindre aujourd’hui. Nous avons déjà noué des partenariats avec des banques locales et des sociétés de porte-monnaie électronique. »

Parmi ces partenaires, les opérateurs MTN en Ouganda, Safaricom au Kenya, Telma à Madagascar ou encore les services de transactions électroniques Virtual Terminal Network et eTranzact au Nigeria. Dernière corde à son arc, l’accroissement des transferts en liquide directement sur un compte bancaire. Dans ce domaine, un accord avec Ecobank vient d’être appliqué au Nigeria et sera bientôt décliné dans les 34 filiales du groupe bancaire panafricain.

Même si elle affirme que sa famille « reste [sa] priorité », une chose est sûre : Aïda Diarra ne se voit pas quitter Western Union de sitôt. « Les perspectives sur le continent sont phénoménales », s’enthousiasme-t-elle. Et d’évoquer le développement d’une solution à destination des PME, Western Union Business Solutions, qui permettra aux sociétés de faire des transactions transfrontalières. Pour le plus grand bénéfice du commerce régional.

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