Côte d’Ivoire : les marionnettistes de la lagune Ébrié

Récompensée à plusieurs reprises, une compagnie ivoirienne offre un spectacle humaniste grâce à de gigantesques personnages hauts en couleur. Reportage.

Lors du Marché des arts du spectacle africain, à Abidjan (6 mars). © DR

Lors du Marché des arts du spectacle africain, à Abidjan (6 mars). © DR

Publié le 6 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Pour dénicher les artistes de la compagnie Ivoire Marionnettes, il faut emprunter sur une quinzaine de kilomètres la route qui conduit d’Abidjan à Bingerville. Peu avant l’entrée de cette ville, qui fut la capitale de la Côte d’Ivoire de 1900 à 1934, on quitte le goudron pour rouler quelques centaines de mètres sur une mauvaise piste qui serpente entre les plantations de palmiers à huile. C’est là, à Abatta, au bord de la lagune Ébrié, sur un vaste terrain sablonneux de 2 hectares, que les marionnettistes se sont établis, en 2008.

Tout a commencé en 2002 au village Ki Yi M’Bock, cet étonnant centre de formation artistique créé à Cocody il y a quelque trente ans par l’artiste d’origine camerounaise Werewere Liking. À l’époque, les jeunes du village sont tous attirés par la danse, la musique, le théâtre. Soro Badrissa, le futur fondateur et directeur artistique d’Ivoire Marionnettes, lui, se familiarise avec un art peu pratiqué en Côte d’Ivoire et révèle ses talents en matière de fabrication d’accessoires. Werewere Liking l’aidera à monter son premier spectacle, Soro d’Abidjan, avant qu’il ne décide de voler de ses propres ailes en trouvant rapidement son style propre.

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Si les membres du groupe qu’il a constitué entre-temps pratiquent la marionnette à fils, à gaine, à tige, etc., ce sont surtout les personnages géants dans lesquels ils se glissent et virevoltent qui emportent l’adhésion du public. Leur spectacle actuel, La main qui donne, a remporté la médaille d’or aux septièmes Jeux de la Francophonie, à Nice, en septembre 2013. Selon les tableaux, les marionnettistes forment ensemble les cinq doigts d’une main ou bien chacun d’entre eux figure à lui seul une main d’une couleur spécifique : noir, blanc, jaune, rouge, brun. Un spectacle qui symbolise la solidarité et la fraternité entre les "races".

Ces monstres sympathiques tournoient, s’entremêlent, les doigts montent et descendent. Détendus, ceux-ci laissent apparaître un visage humain à la place de l’ongle. Le tout au rythme de musiques urbaines entraînantes, ponctuées de chansons au message humaniste. Dans tel ou tel morceau, on reconnaît la voix de Werewere Liking.

Dans l’atelier que la compagnie a aménagé dans un coin du campement d’Abatta s’entassent les marionnettes géantes faites de plaques de mousse recouvertes de tissu. Au gré de la visite, entre deux machines à coudre, on tombe sur une girafe, un éléphant, un crocodile. Dans un coin est accroché un lot de marionnettes à fils.

Ils répondent à des sollicitations variées : carnavals, fêtes scolaires…

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Grâce à la diversité et à la qualité de ce matériel qu’ils fabriquent eux-mêmes avec le plus grand soin, Soro Badrissa et ses acolytes peuvent répondre aux sollicitations les plus variées : carnavals, fêtes scolaires… En 2010, le chorégraphe Georges Momboye leur a commandé une centaine de marionnettes pour accompagner le ballet qu’il a présenté au stade Félix-Houphouët-Boigny pour le cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Leur renommée dépasse les limites de l’agglomération abidjanaise. En 2012, par exemple, ils ont participé à "Rendez-vous chez nous" au Burkina Faso ainsi qu’au festival Teni-Tedji, au Bénin. L’année suivante, en septembre 2013, ils ont été primés lors d’un concours organisé à Charleville-Mézières, dans le nord-est de la France, à l’occasion de la Journée internationale de la paix.

La huitième édition du Marché des arts du spectacle africain (Masa), qui s’est tenue du 1er au 8 mars à Abidjan, les a mis de nouveau en vedette. Entre un concert de zouglou et une performance de danse contemporaine, leur prestation a enchanté la foule réunie sur la pelouse du Palais de la culture de Treichville.

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Des projets, tels la création d’une école d’art de la marionnette et l’organisation d’un festival international, les artistes de la lagune n’en manquent pas. Encore faut-il que les moyens financiers suivent. Avec la récompense obtenue aux Jeux de Nice, ils ont construit une jolie petite scène au beau milieu de leur base d’Abatta. De quoi organiser sur place leurs spectacles. Mais, comme beaucoup d’artistes africains, ils sont encore loin de pouvoir vivre décemment de leur travail.

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