RDC : Kamerhe dans les starting-blocks pour 2016

À s’y prendre aussi à l’avance, certains pourraient craindre un faux départ… Pas lui. Vital Kamerhe, l’ancien président de l’Assemblée nationale, autrefois proche de Kabila, affiche ses ambitions pour 2016.

À Paris, le 20 août. Kamerhe refuse de participer aux assises nationales, ouvertes le 7 septembre. © Vincent Fournier pour J.A.

À Paris, le 20 août. Kamerhe refuse de participer aux assises nationales, ouvertes le 7 septembre. © Vincent Fournier pour J.A.

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Publié le 9 septembre 2013 Lecture : 5 minutes.

En 2008, lorsqu’il présidait encore l’Assemblée nationale congolaise et qu’il était l’un des plus proches collaborateurs de Joseph Kabila, Vital Kamerhe possédait cinq téléphones portables. Aujourd’hui opposant au chef de l’État, il a fondé un parti, l’Union pour la nation congolaise (UNC, 18 députés sur 500), et il possède deux appareils supplémentaires. "J’ai été le premier des parlementaires, se justifie-t-il. Et puis c’est vrai que j’aime parler."

Mais parler ne signifie pas toujours dire le fond de sa pensée. Kamerhe l’a compris, lui qui en 2009 avait connu la disgrâce pour avoir sévèrement critiqué l’autorisation donnée à l’armée rwandaise d’entrer dans le pays sans l’accord du Parlement. Lors d’un long entretien accordé à Jeune Afrique, à l’occasion d’un passage à Paris, fin août, cet homme à la gouaille intacte a soigneusement évité de critiquer directement ses adversaires politiques, quitte à brouiller la clarté de son propos. "J’ai beaucoup de respect pour les aînés, argumente-t-il. Ce n’est pas la peine d’essayer de me faire dire du mal d’eux."

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L’affirmation détonne dans la bouche d’un homme connu pour ses diatribes féroces et qui lors de la présidentielle de 2006 se présentait comme "l’attaquant de base et de pointe" de Joseph Kabila. A-t-il mûri cette leçon en s’éloignant de la vie politique congolaise, en 2009 ?

Pendant près de un an, l’ex-chouchou des médias congolais a fait profil bas, étudiant plusieurs mois en Afrique du Sud ("pour apprendre l’anglais") et au Québec ("pour suivre un séminaire"), avant de publier un livre en 2011 (Les Fondements de la politique transatlantique de la RDC). Il dit se préparer aujourd’hui à soutenir une thèse sur "le rôle du Congo comme espoir de l’humanité".

Revenu à Kinshasa pour être candidat à la présidentielle de 2011, il a fait un score décevant (7,74 % des suffrages), qu’il balaie d’un revers de main. "D’après le pasteur Ngoy Mulunda [à l’époque président de la Commission électorale nationale indépendante], Vital Kamerhe a fini troisième. Mais la mission de l’Union européenne a dit que ces élections avaient été émaillées de fraudes. C’est donc que nous avions fait plus. Et puis nous avons tout de même remporté des députés dans huit provinces. Pour un parti fondé onze mois avant l’élection, c’est un bon résultat."

Rupture avec Kabila

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La rumeur kinoise l’a un temps soupçonné de vouloir se rapprocher du président Kabila, mais entre les deux hommes la rupture est en réalité consommée. "La dernière fois que je l’ai vu, c’était le 11 décembre 2010, affirme Kamerhe. C’était pour l’informer de la création de mon parti et pour lui dire au revoir." Une source proche du gouvernement confirme : "Dans le camp présidentiel, il est grillé depuis 2011. Sa campagne a été trop agressive. Plus personne ne veut lui parler." Vital Kamerhe ne fait pas mystère de ses ambitions pour 2016. Il s’est même converti à l’opposition radicale. Alors que le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba a accepté de participer aux travaux préparatoires des "concertations nationales", auxquels le président Kabila a convié l’opposition, Vital Kamerhe refuse catégoriquement de s’y rendre… Au risque, peut-être, de se mettre en porte-à-faux avec la communauté internationale, qui appuie le gouvernement dans sa confrontation avec les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), actifs dans l’est de la RDC. Kamerhe, qui faisait autrefois figure de candidat préféré des Occidentaux, avoue aujourd’hui avoir demandé sans succès à être reçu par le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders. À l’Élysée, où il s’est entretenu, fin août, avec Hélène Le Gal, la conseillère Afrique de François Hollande, on précise que Paris "souhaite", contrairement à lui, les concertations nationales. Cela n’empêche pas le président de l’UNC de dire son admiration du président français ("un homme qui parle peu mais agit beaucoup"), après avoir chanté les louanges de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy.

Trois ans pour représenter l’opposition

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Vital Kamerhe a donc encore trois ans pour se forger la stature de principal opposant au camp présidentiel. Une éventuelle condamnation de Jean-Pierre Bemba, qui comparaît devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, ne pourrait que lui profiter. Et d’ici là, Étienne Tshisekedi, le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), seul autre grand parti à refuser tout dialogue avec le pouvoir, aura 84 ans. Kamerhe ne désespère pas d’obtenir son soutien : "J’ai besoin de l’aide de tous et de la bénédiction des aînés comme lui." " Il ne suffit pas de boycotter ces concertations pour espérer un soutien de Tshisekedi", répond Valentin Mubake, conseiller politique du président de l’UDPS.

La faiblesse des moyens de l’UNC ("il ne vit que de la générosité de ses députés et de ses militants", affirme Kamerhe) n’empêche pas son leader de voyager régulièrement. Il a entamé une tournée dans chacun des dix autres pays signataires de l’accord conclu à Addis-Abeba, y compris l’Ouganda et le Rwanda, qui sont accusés de soutenir le M23. "On ne peut faire la paix qu’avec ceux qui n’ont pas la même vision que vous", explique-t-il.

Dialogue avec le M23 ?

S’il est un sujet sur lequel Kamerhe peut difficilement être soupçonné de sacrifier ses convictions par opportunisme (un reproche qu’observateurs et diplomates lui font fréquemment), c’est bien celui de la crise dans l’est de la RDC. Sur ce dossier, il est seul ou presque à défendre le dialogue avec les groupes armés (et en particulier avec le M23, qu’il voudrait voir convié aux pourparlers de Kinshasa) plutôt que la solution militaire. Mieux, ce Mushi du Sud-Kivu, province particulièrement meurtrie par la seconde guerre du Congo, prône une intégration régionale qui bénéficierait aux pays voisins. "Au pillage des minerais, nous pouvons substituer une coopération régionale bien réfléchie, avec par exemple la création d’une zone de libre-échange. Il n’est pas question que les ressources du Congo reviennent à d’autres. Mais il ne faut pas non plus que le Congo cherche à s’enfermer avec ses richesses sans les exploiter." Une position sans aucun doute courageuse. Mais dont on ne voit pas encore comment elle pourrait mener à la victoire en 2016.   

Face à ses adversaires politiques, Kinshasa ne lâche rien

 Comme en 2011 lorsqu’il fallait se trouver un candidat commun face à Joseph Kabila, les partis d’opposition ne parviennent pas à s’entendre sur l’opportunité de participer aux "concertations nationales", lancées le septembre. Ils se sont réunis mi-juillet à Kinshasa pour tenter d’accorder leurs violons, mais rien n’y a fait. Tous, pourtant, étaient d’accord sur la nécessité d’obtenir des garanties supplémentaires au bon déroulement de ces assises censées permettre de renforcer la cohésion nationale face à la crise dans l’Est. Ils espéraient obtenir la présence de Mary Robinson, l’envoyée spéciale du secrétaire général de l’ONU pour les Grands Lacs, en qualité de "témoin". Le gouvernement a passé outre, acceptant seulement que le président congolais, Denis Sassou Nguesso, soit choisi comme "l’accompagnateur" de ces assises, alors que l’opposition souhaitait qu’il en soit "le médiateur". Au final, Kinshasa aura fait trop peu de concessions pour convaincre Étienne Tshisekedi ou Vital Kamerhe, tous deux candidats malheureux à la présidentielle de 2011, d’y participer. En tout cas pour l’instant.

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