Dossier automobile : les chinoises sont partout

Les grandes marques de l’empire du Milieu sont désormais bien établies sur le continent. Mais pour résister à la concurrence coréenne, elles doivent encore améliorer la qualité de leurs modèles et optimiser leur réseau de distribution.

Le concessionnaire Espace Auto est le principal distributeur de voitures chinoises au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui/JA

Le concessionnaire Espace Auto est le principal distributeur de voitures chinoises au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui/JA

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Publié le 12 avril 2013 Lecture : 6 minutes.

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Automobile : monter en gamme ou disparaître

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Progressivement, les marques chinoises grignotent des parts de marché en Afrique. Dans les rues d’Abidjan, d’Alger et de Nairobi, les pick-up Great Wall, les citadines Chery et les camions Foton se font plus nombreux. Après un démarrage difficile au milieu des années 2000, lié à une image médiocre puis à la montée des barrières douanières, les affaires des grands groupes automobiles de l’empire du Milieu ont décollé en 2012. L’Association chinoise des industries mécaniques évaluait à 1,06 million le nombre de véhicules exportés par ses membres dans le monde l’an passé, soit 29,7 % de plus qu’en 2011. En Afrique, le premier exportateur chinois, Great Wall Motors, affirme avoir vendu 22 000 véhicules en 2012. Désormais, au Sénégal, les véhicules chinois représentent près de 20 % du marché du neuf. « Ces marques sont l’avenir de l’automobile en Afrique ! » affirme Dame Gueye, ex-directeur commercial d’Espace Auto, le principal distributeur de voitures chinoises du pays.

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« Ceux qui achètent nos véhicules sont principalement des cadres moyens urbains et des entreprises. Ils sont d’abord attirés par la différence de prix avec les modèles coréens et japonais », indique Fadi Kanaan, directeur général de Rimco en Côte d’Ivoire, qui distribue les voitures Great Wall Motors et les camions Yuejin. Reste que l’écart sur le coût d’achat – de 10 % à 30 % avec la concurrence sur le même segment – ne suffit pas à convaincre tout le monde. Les groupes chinois pâtissent toujours d’un déficit d’image par rapport à leurs principaux rivaux, les coréens Kia et Hyundai, qui caracolent en tête des ventes tant au Maghreb (avec les français Renault et Peugeot) qu’au sud du Sahara (avec les japonais Toyota et Nissan). Hyundai écoule près de 150 000 voitures sur le continent, soit près de 7 fois plus que Great Wall.

Cliquez sur l'image.Guerre des prix

« Distribuer les marques chinoises demande beaucoup d’efforts. D’abord, elles ne sont pas connues, à la différence par exemple de Kia, dont les camions étaient appréciés depuis longtemps en Afrique de l’Ouest. Ensuite, leur image est encore ternie par les défaillances des premiers véhicules importés sur le continent. Le consommateur peine toujours à distinguer les constructeurs qui ont investi dans la qualité de ceux qui ne l’ont pas fait », note Fadi Kanaan. « Une marque comme Great Wall a su changer de fournisseurs, en s’approvisionnant chez des équipementiers reconnus comme Mitsubishi pour la motorisation ou Bosch pour les boîtes de vitesse. Elle a aussi beaucoup investi en recherche et développement et dans l’accompagnement de ses distributeurs. Chaque année, nous envoyons nos responsables techniques se former à Shanghai. Mais tous les constructeurs chinois n’ont pas pris le même chemin. Avant, nous distribuions des véhicules Changan, mais nous avons préféré arrêter : il y avait trop de clients mécontents », ajoute le distributeur ivoirien. Des soucis de qualité toujours d’actualité pour d’autres marques, telle Chery, chez qui les motorisations continuent de poser problème, selon plusieurs professionnels. « Cela fait une dizaine d’années que les modèles chinois ont débarqué chez nous. Avec le temps, les distributeurs ont fait le tri et distingué les meilleurs produits de chaque segment », estime pour sa part Dame Gueye. « Après quelques déboires avec la marque Geely, que nous avons abandonnée, Espace Auto a privilégié Chery pour les petits véhicules citadins. Pour les pick-up et véhicules de loisir – sport utility vehicles (SUV) -, nous avons retenu Great Wall. Quant aux camions, Foton s’est naturellement imposé », explique le Sénégalais.

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Les marques japonaises et occidentales ne veulent pas être vendues aux côtés des chinoises.

Mais ces marques chinoises qui ont privilégié la qualité pourraient bientôt se retrouver dans une guerre des prix sans merci. « En réaction, Hyundai et Kia ont bradé certains modèles. Et les marques européennes arrivent avec des bons produits low cost, très prisés au Maghreb. Seuls les meilleurs constructeurs chinois réussiront à garder leurs coûts bas et à se distinguer par la qualité de leurs produits », estime Dame Gueye.

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Implantation d’usines

Dans leur offensive sur l’Afrique, les marques chinoises sont appuyées par leur gouvernement. « Juste après la crise, la Chine a fait cadeau de 50 berlines Great Wall au gouvernement ivoirien. Une opération très bénéfique pour notre image », reconnaît le directeur général de Rimco en Côte d’Ivoire. Depuis, les sociétés publiques et l’administration représentent pas moins de 40 % du chiffre d’affaires de celui-ci. « Et lorsque des compagnies chinoises s’implantent en Côte d’Ivoire, elles se fournissent naturellement chez nous », se félicite le distributeur, qui vend ainsi des véhicules Great Wall à Sinohydro, le constructeur du barrage de Soubré (Côte d’Ivoire).

Les grandes ambitions de Great Wall

Le premier exportateur automobile chinois est déjà présent à travers le monde dans plus de 100 pays où il a exporté 96 500 voitures, un chiffre en hausse de 16 % par rapport à 2011. Avec une production de près de 500 000 voitures par an en 2011, il est le dixième constructeur chinois. Dirigé depuis Baoding (dans la province du Hebei, au sud-ouest de Pékin), il est présent sur le continent depuis 1998. En 2012, il y a vendu 22 000 véhicules, ce qui représente 22 % de ses exportations. Great Wall a une présence marquée en Algérie (10 000 voitures vendues), en Afrique du Sud, en Égypte et à Maurice. Ce sont les modèles SUV (sport utility vehicles) de loisir Haval et de pick-up Wingle qui tirent les résultats de la marque chinoise, avec des ventes à l’export en hausse respectivement de 22 % et 27 % par rapport à 2011. Great Wall entend poursuivre sa pénétration du marché africain en privilégiant, là où il est bien implanté, la distribution dans un réseau à part plutôt que dans des succursales multimarques. Son département de recherche et développement élabore des solutions de refroidissement des moteurs adaptées au continent, et cherche à améliorer les modèles avec une direction à droite pour l’Afrique du Sud et le Kenya. C.L.B.

Pour faire progresser leurs parts de marché, les constructeurs de l’empire du Milieu implantent des usines de montage, notamment en Afrique du Nord et en Afrique australe, où les volumes vendus sont les plus importants. Great Wall Motors et Chery assemblent déjà des voitures en Égypte, un marché jugé attractif en raison de son bassin de population de 80 millions d’habitants. First Automobile Works a annoncé des projets industriels en Afrique du Sud et au Cameroun. Great Wall étudie d’autres possibilités d’usines au Sénégal et en Afrique du Sud. Ces installations – qui se contentent d’assembler des pièces venues de Chine – ne représentent pas des investissements faramineux. Elles permettent surtout aux constructeurs chinois, qui ne bénéficient pas d’accords de libre-échange comme leurs concurrents européens, d’éviter les lourdes taxes sur les véhicules importés.

Autre chantier pour les marques chinoises, l’amélioration de leur système de distribution grâce à des accords avec les plus grands acteurs du continent. Le groupe CFAO, leader en Afrique francophone, distribue Great Wall au Maroc, tandis que le numéro deux du marché, Tractafric Motors, représente Chery et JAC Motors dans plusieurs pays via sa filiale Tiger Motors. Mais tous deux sont peu pressés de nouer des accords avec d’autres acteurs chinois et d’étendre leurs partenariats existants ailleurs. Le sujet est sensible : pour une question d’image, les marques japonaises et occidentales, qu’elles distribuent aussi, ne veulent pas être vendues dans les mêmes concessions. CFAO vient en plus d’être racheté par Toyota Tsusho Corporation. La maison de commerce du conglomérat Toyota pourrait ne pas voir d’un bon oeil des accords avec les Chinois. Pourtant, l’accès à ces deux réseaux de distribution est essentiel pour les marques de l’empire du Milieu qui veulent doper leurs ventes…

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