RDC : Bosco Ntaganda, retour sur la cavale de « Terminator »

Recherché depuis sept ans par la Cour pénale internationale, celui qui a été de toutes les rébellions de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a déposé les armes, et s’est rendu à la CPI. Lâché par ses alliés, cerné par ses ennemis, Bosco Ntaganda avait d’autre choix ?

La reddition de Bosco Ntaganda a eu lieu à Kigali, le 18 mars. © Alain Wandimoyi/AP/Sipa

La reddition de Bosco Ntaganda a eu lieu à Kigali, le 18 mars. © Alain Wandimoyi/AP/Sipa

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 28 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

Jusqu’au bout, « Terminator » aura été fidèle à sa sinistre réputation. Encerclé par un groupe rebelle rival depuis le début de ce mois de mars, Bosco Ntaganda a continué, selon des sources concordantes, à ordonner l’exécution de ses propres hommes suspectés de vouloir déserter. Mais cette fois, la terreur n’a pas suffi à lui sauver la mise. Après sept années passées à fuir un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), l’homme qui a été de toutes les rébellions de l’est de la RDC a fini par capituler en se livrant de lui-même à l’ambassade des États-Unis de Kigali, le 18 mars, à l’aube. Il a été transféré vers La Haye quatre jours plus tard.

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Né à Kinigi, au Rwanda, en 1973, il passe une partie de son adolescence en RDC, avant de rejoindre, en 1990, le Front patriotique rwandais (FPR). Le parti, qui prendra le pouvoir en 1994, mettant fin au génocide, était alors une rébellion tutsie basée en Ouganda. En 1996, Ntaganda retourne en RDC avec l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), la rébellion – soutenue, entre autres, par le Rwanda – qui portera Laurent-Désiré Kabila au pouvoir à Kinshasa.

Atrocités

C’est entre 2002 et 2003, en Ituri (nord-est de la RDC), qu’il aurait commis les pires atrocités, au sein des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), un autre groupe rebelle : il est notamment soupçonné d’avoir enrôlé des enfants-soldats, selon le procureur de la CPI, qui émet un mandat d’arrêt international en 2006. Ntaganda est alors membre d’un autre mouvement rebelle dans le Nord-Kivu, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda. Après avoir trahi ce dernier, début 2009, il en prend la tête et signe les accords de paix du 23 mars avec Kinshasa. Sa « cavale » devient très confortable : il est intégré à l’armée congolaise avec le grade de général, vit tranquillement à Goma et s’enrichit grâce à de juteux trafics.

Le décor change au début de 2012. Ntaganda redoute d’être arrêté par Kinshasa (qui subit une intense pression internationale en ce sens), d’autant que Thomas Lubanga, l’un de ses anciens camarades des FPLC, est condamné par la CPI à 14 ans de prison. Il se mutine avec ses hommes, tout comme un autre officier tutsi, Sultani Makenga, qui crée le Mouvement du 23 Mars (M23). D’après les rapports du groupe d’experts de l’ONU pour la RDC, Ntaganda joue un rôle central dans ce mouvement soutenu par le Rwanda – ce que Kigali a toujours démenti.

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Défections

Mais son statut de criminel de guerre présumé devient de plus en plus pesant pour un M23 en quête de reconnaissance internationale. Dans une interview accordée à J.A. en novembre 2012, à Goma, Makenga n’exclut pas de l’arrêter. En janvier 2013, les États-Unis mettent sa tête à prix. Ntaganda craint de faire les frais d’un accord entre le M23 et Kinshasa : ses alliés au sein de la rébellion font défection fin février pour affronter Makenga. Mais les combats tournent en faveur de ce dernier, et l’aide que Terminator espérait sans doute encore de Kigali ne vient pas.

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Le 15 mars, la bataille est perdue. Ses derniers fidèles se réfugient au Rwanda, et Ntaganda ne réapparaît que trois jours plus tard, pour se rendre. Que s’est-il passé dans l’intervalle ? A-t-il cherché une protection au Rwanda ? Kigali affirme ignorer tout de sa présence sur son territoire. On peut en douter tant le système sécuritaire rwandais est efficace. Mais une infiltration discrète n’est pas totalement exclue : une partie de sa famille, résidant au Rwanda, a pu l’aider. « Les sources se contredisent, impossible de trancher avec certitude, indique Jason Stearns, chercheur au Rift Valley Institute. Ce qui est sûr, c’est qu’il se serait jamais rendu s’il ne s’était senti en danger de mort ».

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