Un bel exemple d’intégration

Fouad Laroui © DR

Publié le 19 janvier 2013 Lecture : 2 minutes.

C’est une histoire qui commence en 2007. Slimane, un Tunisien habitant à Rotterdam, est à la recherche d’un emploi. Il a déjà refusé deux propositions et maintenant l’instant est critique : il doit accepter la troisième offre sinon il perdra son allocation de chômage. Le voici au bureau de placement où on lui annonce une bonne nouvelle : on vient de recevoir une offre d’emploi qui correspond à son profil. Il faut connaître un peu de français et avoir le contact facile avec les gens.

Slimane est enchanté, il est prêt à signer le contrat… Cependant, le fonctionnaire continue de lire la fiche, et c’est alors que Slimane comprend qu’il s’agit de représenter des vins français. Un courtier cherche quelqu’un sachant parler néerlandais et français pour mieux promouvoir les vins qu’il importe de la douce France.

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Slimane interrompt le fonctionnaire. Il ne peut pas accepter l’offre : il est musulman et n’a jamais bu une goutte de vin. Le fonctionnaire est embêté parce qu’il voit bien qu’il s’agit de la troisième proposition et que les sanctions menacent. Il insiste. Finalement Slimane accepte le job – persuadé qu’il sera vite licencié quand le courtier comprendra qu’il a affaire à un imposteur qui ne voit pas la différence entre un saint-émilion et un Fanta orange.

Et c’est là que l’histoire devient miraculeuse. Slimane, qui est consciencieux et travailleur, emprunte à la bibliothèque des livres d’oenologie et, en quelques semaines, il sait l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour vendre des vins aux Pays-Bas : en gros, la différence entre bordeaux et bourgogne, quelques mots sur les côtes-du-rhône (« qui montent en gamme, paraît-il »), les vins de Touraine (« frais et plutôt légers… ») et puis quelques termes qui font bien, surtout quand on les dit en français devant des acheteurs étrangers : vin « élégant », « de haute tenue », « aimable », « gouleyant », « nerveux », « noble »… Slimane fait des miracles, il travaille dur, tous les restaurateurs l’apprécient, et lui, il apprend beaucoup en leur parlant. Il suffit que quelqu’un lui dise que les croze-hermitage 2007 ne sont pas fameux, et il retient l’information pour la glisser à son tour quand l’occasion se présente.

Aujourd’hui, Slimane a un contrat à durée illimitée. Il s’améliore chaque jour et il aime son travail. Il doit à chaque fois trouver une excuse pour ne pas trinquer avec ses clients mais il a acquis une réputation de connaisseur – qui n’est d’ailleurs pas usurpée puisque tout ce qu’il dit est vrai, même s’il se contente de répéter ce qu’il entend ici et là…

Il me semble que cette histoire est emblématique. En faisant des efforts, on arrive à s’intégrer n’importe où et sans perdre son âme. Encore faut-il faire preuve d’un minimum de flexibilité, par exemple accepter de chanter les louanges d’un grand vin de Bordeaux même si on réprouve in petto sa consommation…

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