Tunisie : Ahlem Belhaj, au nom de toutes les miennes

Distinguée par le magazine américain « Foreign Policy », Ahlem Belhaj, féministe de longue date, est décidée à se battre pour préserver les acquis de ses concitoyennes et servir les vrais objectifs de la révolution tunisienne.

Ahlem Belhaj lors d’un colloque organisé par l’ATFD, le 17 juin à Tunis. © Ons abid

Ahlem Belhaj lors d’un colloque organisé par l’ATFD, le 17 juin à Tunis. © Ons abid

Publié le 18 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Ses cheveux courts et son air décidé lui donnent l’allure d’un petit soldat, mais elle n’est jamais rentrée dans le rang. Native de Korba, au cap Bon (Nord-Est), Ahlem Belhaj, 47 ans, dont trente au service de la lutte contre toutes les inégalités, rejette les diktats de l’islamisme ambiant, qui voudrait retirer aux Tunisiennes certains de leurs acquis. « Le projet de Constitution nous fait très peur. La femme n’est pas une sous-citoyenne », s’insurge celle qui a rempilé en 2011 pour un second mandat à la tête de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Elle prône une égalité des sexes « parfaite ».

Pour avoir exigé que les femmes aient leur mot à dire dans le nouveau monde arabe, Ahlem Belhaj vient d’être distinguée par le magazine américain Foreign Policy – qui l’a classée 18e dans son top 100 des « Global Thinkers » 2012 -, après avoir reçu, au nom de l’ATFD, le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes en janvier 2012. Les distinctions jalonnent le parcours de cette moderniste, mère de deux enfants, qui aurait pu être une athlète de haut niveau. Adolescente, elle était spécialiste du saut en longueur et du 100 m, remportant de nombreux titres jusqu’à être sélectionnée en équipe nationale. Mais, si le sport n’a pas été sa destinée, il lui aura donné le goût de l’endurance et de l’effort, le sens de la discipline et un mental d’acier, forgé également au contact d’un père enseignant.

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Gauche radicale

Professeure agrégée de médecine, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Razi de La Manouba, c’est à la faveur de ses études qu’elle s’initie, dès l’âge de 17 ans, au militantisme. Dans les années 1980, les facultés de Tunisie sont en ébullition. Le débat autour de l’activité syndicale et de l’apparition de la mouvance islamiste fait rage. Ahlem Belhaj y rencontre le féminisme le 8 mars 1983, lors de la célébration de la Journée internationale de la femme. Elle s’engage aussi dans la lutte syndicale au sein de l’Union générale tunisienne des étudiants (UGTE) et intègre un groupe marxiste aux côtés de Sadri Khiari, Olfa Lamloum, Afifa Souissi et Jalel Ben Brik Zoghlami, un opposant connu pour ses positions libertaires, qu’elle épousera en 1993.

Pour Ahlem Belhaj, les conquêtes politiques et la cause des femmes sont interdépendantes.

Intelligente, syndiquée et politiquement engagée, elle a tout pour déplaire au régime Ben Ali, qui ne réussit à contrer ni son ascension professionnelle ni ses activités militantes. Tracasseries multiples, harcèlement et poursuites judiciaires ne l’empêcheront pas d’être, dès 1992, membre du bureau exécutif de l’ATFD, dont elle assurera une première présidence en 2004. Au lendemain de la révolution, elle rejoint la Ligue de la gauche ouvrière (LGO), une des formations participant au Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution, qui regroupe les mouvements de la gauche radicale et les nationalistes arabes.

"Rien n’est encore joué"

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Pour Ahlem Belhaj, les conquêtes politiques et la cause des femmes sont interdépendantes. « Je m’insère dans une gauche radicale qui exige des solutions socioéconomiques et fait de la position de la femme une préoccupation fondamentale. Notre projet de société passe par l’instauration d’un modèle équitable quant aux rapports hommes-femmes, ce qui changera le reste des rapports sociaux », assure-t-elle. Si les lendemains de la révolution se sont révélés difficiles, la militante n’a pas baissé les bras, loin s’en faut, dénonçant les discriminations faites aux femmes en matière d’autorité parentale et de droit successoral, ainsi que la féminisation de la pauvreté et l’inégalité face à l’emploi.

Elle estime aujourd’hui que « rien n’est encore joué, ni dans un sens ni dans l’autre. Ce qui est certain, c’est que le projet d’Ennahdha n’est pas modéré et n’apporte pas de réponse aux attentes des Tunisiennes. En d’autres termes, la révolution continue, c’est une révolution permanente » ! 

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