Chaud, le ramadan !

Fawzia Zouria

Publié le 25 juillet 2012 Lecture : 2 minutes.

Cher lecteur, voici l’été, et, comme de coutume, je vous envoie ma « Lettre de Hammamet ». La « révolution du jasmin » étant passée par là, vous pensez peut-être que ce lieu de villégiature, le plus prisé de Tunisie, a changé. Eh bien, oui et non. La chaleur est au rendez-vous, le bleu du ciel n’a pas terni, les bikinis résistent, les fêtards sont là – bien que moins nombreux et comptant moins d’Algériens -, pas trop de barbes, la consigne étant de ne pas effrayer le bon touriste.

Toutefois, pour celui qui connaît les lieux, bien des choses ont changé : une ambiance austère chasse des plages les baigneurs locaux, tandis que résonne le son saturé des haut-parleurs du muezzin. Chez les marchands, la marque de la prière s’affiche ostensiblement sur les fronts, même si aucun d’eux n’osera reprocher à la femme que je suis de choisir ses tomates en débardeur, après tout, toute femelle que je suis, c’est moi qui pourvois à la survie du mâle musulman, en dinars sonnants et trébuchants…

la suite après cette publicité

À ce propos, j’ai appris que l’un de mes cousins, agriculteur de son état, avait décidé, cette année, de ne donner à ses soeurs que la moitié de la part de récolte de blé dévolue aux garçons. Il a fallu le calmer en lui rappelant que les frais de semailles avaient été payés plein pot par les filles !

J’en étais aux commerces de Hammamet, où sont survenus nombre de changements : produits deux fois plus onéreux, points de vente poussant dans l’anarchie, guinguettes et magasins de location de jet-skis s’étalant sans autorisation. Des sacs poubelles jonchent le sol, comme dans toute la République, où, paraît-il, on n’a plus de balais ni de bennes, encore moins de décideurs pour exiger le ramassage des ordures. Et les autorités ? Aux abonnés absents. Au grand dam du citoyen tunisien, qui estime payer trop cher ses élus de la transition. La moitié des proches du pouvoir séjourne probablement à l’ombre des mosquées, avancé-je à une amie, tandis que l’autre sirote son petit verre de vin, puisque les ventes d’alcool ont explosé. Mais ma copine n’est pas du même avis.

Elle soutient que tout le monde bosse à Tunis, même le pouvoir. À preuve, la semaine dernière, sa fille Nadia, journaliste dans une station de radio de langue française, a trouvé sa patronne en plein boulot ; cette dernière avait planché toute la matinée sur la rédaction de la lettre de licenciement de Nadia. Son tort ? Avoir poussé le culot jusqu’à intituler son émission Café noir. La patronne a prétexté, en effet, que s’obstiner à maintenir un tel titre pendant le mois du jeûne était une provocation à l’encontre du croyant… Chaud, le ramadan ! Bon, je veux bien concéder à ma copine qu’on s’agite, dans la capitale, mais, à Hammamet, on n’entend pas parler de politique, on se baigne tranquillement et on mange à sa faim. Comparé à Jendouba, privé d’eau, à Sfax, où des clans se disputent l’imamat de la mosquée, à Gafsa, où l’on trime pour trouver un boulot même par 50 °C, Hammamet, c’est le paradis. Pour combien de temps encore ? Franchement, il fait trop chaud pour répondre à la question

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires