Madagascar : bois de rose, un stock épineux

Alors que Madagascar a interdit la vente du bois de rose, une essence rare, les ONG s’alarment du trafic illégal et du devenir des rondins déjà coupés. Leur valeur pourrait atteindre les 600 millions d’euros.

Il y aurait 200 000 « bolabolas » (rondins) entreposés sur la Grande Île. DR

Il y aurait 200 000 « bolabolas » (rondins) entreposés sur la Grande Île. DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 23 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Depuis mars 2010, la coupe, l’exploitation et l’exportation de bois de rose malgache sont totalement prohibées. Après des années de lutte, les organisations environnementales avaient obtenu un décret du ministère de l’Environnement, ne laissant pas – en principe – de place aux dérogations exceptionnelles. L’espoir progressait de faire cesser peu à peu tout trafic de cette essence rare et protégée dont on fait des meubles précieux, des instruments de musique et des intérieurs de bateaux de prestige.

Après l’interdiction, les autorités de transition veulent à présent statuer sur le sort du stock de bois déjà coupé. D’après le ministère de l’Environnement, qui a organisé un recensement déclaratif auprès des exploitants, il y aurait sur la Grande Île 200 000 « bolabolas » (surnom local des rondins de bois de rose) entreposés. « Ce stock a pris une valeur considérable puisqu’en trois ans, avec la rareté, le prix du kilo de bois de rose est passé de 5 à 25 dollars [de 4 à 20 euros, NDLR] », note Andry Ralamboson Andriamanga, coordinateur de l’Alliance Voahary Gasy, la principale fédération malgache d’associations environnementales. Un rondin pesant en moyenne 150 kg, cela porte la valeur actuelle du stock déclaré à environ 600 millions d’euros. Une somme considérable dans un pays confronté à une crise politique depuis trois ans, avec 76,5 % de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

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Patrimoine

Cliquez sur l'image.« Nous sommes d’accord avec le gouvernement : on ne peut pas laisser le stock de bois de rose, véritable patrimoine national, perdre de sa valeur. Mais il faut agir le plus vite possible, car le stock annoncé est surévalué. D’après nos informations, nombreux sont les commerçants qui ont déclaré à l’État plus de rondins qu’ils n’en avaient réellement, avec l’espoir, le temps que soit organisée la vente, de continuer la coupe pour atteindre le nombre de rondins annoncé », affirme Andry Ralamboson Andriamanga.

Avec la période de transition qui s’éternise, l’administration centrale est en position de faiblesse par rapport aux autorités et « barons » locaux, qui en profitent pour reprendre la coupe et participer au trafic. Les observateurs de l’Alliance Voahary Gasy ont constaté une reprise de l’exploitation et de l’exportation illégales, notamment dans les réserves de Masoala (Nord-Est) et de Zahamena (Est), ainsi que dans les ports de Toamasina, de Sambava, d’Antalaha, sur la côte orientale, et de Nosy Be (Nord-Ouest).

Désastre

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Alors que le trafic reprend, la rédaction de la loi précisant les modalités de la vente du stock a pris du retard. « Le ministre de l’Environnement, Joseph Randriamiarisoa, a été révoqué pour avoir octroyé des autorisations d’exportation de bois de rose, mais il n’a toujours pas été remplacé. Du coup, le ministère fonctionne au ralenti », regrette Andry Ralamboson Andriamanga, qui a été associé au processus mais s’inquiète : « Plus l’adoption de la loi prend du retard, plus le désastre grandit ! »

Selon l’ONG Global Witness, qui a réalisé plusieurs missions pour le compte du gouvernement malgache en 2009 et 2010, la pression des organisations environnementales a poussé la plupart des compagnies maritimes et acheteurs occidentaux à renoncer à leur participation au trafic. Mais ce n’est pas le cas d’une quinzaine de sociétés chinoises qui dominent aujourd’hui le marché et organisent l’approvisionnement de leurs clients de l’empire du Milieu via les ports des provinces du Jiangsu et du Guangdong. D’après l’Alliance Voahary Gasy, les acheteurs chinois, qui sont revenus en force depuis le début de 2012, « préfinancent leurs commandes de bois de rose à hauteur de 50 %, ce qui signifie qu’ils évaluent faiblement les risques de voir leur bois saisi ou bloqué sur place ». Le trafic de bois de rose malgache est loin d’avoir été stoppé.

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