Franck Houndégla : métro, expo, photo

Discret, adepte de la simplicité, le Béninois Franck Houndégla a su se faire une place dans le monde de l’art en réalisant la scénographie d’expositions. Il a également réaménagé une station du métro parisien.

Ce concepteur d’espace s’échine à passer inaperçu. © J.A

Ce concepteur d’espace s’échine à passer inaperçu. © J.A

ProfilAuteur_NicolasMichel

Publié le 28 juin 2012 Lecture : 4 minutes.

Franck Houndégla est à l’image des exigences de son métier : discret. « La scénographie est au carrefour des intentions artistiques et des préoccupations techniques, explique-t-il. Entre architecture, design, spectacle vivant, le scénographe doit prendre en compte le point de vue des éclairagistes, des ingénieurs, des bureaux d’études, du conservateur, sans oublier le contenu intellectuel et les contraintes économiques… » Pour le dire plus simplement, le scénographe est celui qui conçoit l’ensemble de l’architecture visuelle d’une exposition… en évitant de trop se faire remarquer. « Je me méfie des effets de style, soutient Houndégla. J’ai un souci d’ergonomie, de simplicité, de couleurs. » On pourrait même ajouter : et d’environnement. En novembre 2011, Franck Houndégla était le scénographe attitré des Rencontres de Bamako (Mali), la biennale africaine de la photographie. Recyclant, utilisant un minimum de matière, jouant avec le bois, le bambou et les textiles, il collait au plus près du thème choisi par les commissaires d’exposition : « Pour un monde durable ».

S’il s’échine à passer inaperçu pour mieux mettre en valeur le travail des artistes, Franck Houndégla serait bien en droit de verser, de temps en temps, dans l’immodestie. Outre l’Institut français, qui finance les Rencontres de Bamako, d’importantes institutions ont fait appel à ses services. Il a ainsi conçu la scénographie des expositions « Biométrie » et « Bon appétit » pour la Cité des sciences et de l’industrie (Paris), repensé l’aménagement de la station de métro Villejuif – Léo-Lagrange, imaginé le musée des Sciences de la bibliothèque d’Alexandrie (Égypte), le Museum of the Land of Frankincense de Salalah (Oman) et le Musée historique d’Abomey (Bénin), travaillé pour le Centre Wallonie-Bruxelles, etc.

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« A l’école, j’étais le seul Noir »

Comme souvent, l’histoire a commencé pendant l’enfance, avec des crayons de couleur. « Petit, je dessinais beaucoup de maisons et de voitures, confie Houndégla. Très vite, j’ai su que je voulais travailler dans le domaine de l’art. J’ai été encouragé par mes parents, qui m’ont dit : « Tu peux faire ce que tu veux, mais il faut le faire sérieusement. » » Son père, arrivé en France dans les années 1950 pour suivre l’enseignement de l’École vétérinaire de Maisons-Alfort, a épousé une sage-femme, elle aussi béninoise, et ils ont eu trois enfants, dont Franck en septembre 1967. Si la famille bouge beaucoup – Picardie, Allier, Haute-Loire, région parisienne -, la maison vibre toujours au son du jazz, de la musique classique et des rythmes cubains. « Il y avait toujours beaucoup d’amis à la maison et je vivais dans une culture hybride franco-béninoise », se souvient Houndégla, qui passait ses vacances à Porto-Novo et à Ouidah. « À l’école, j’étais le seul Noir, dit-il. Bien qu’observé, j’étais tout à fait accepté. Il y avait plus de préjugés qu’aujourd’hui, mais aussi plus d’acceptation. Le racisme était surtout dirigé contre les Portugais, les Arabes, les Gitans, qui subissaient vraiment les enseignants. »

Nourri des lectures de son père – des livres de médecine et d’anatomie, France-Soir, L’Événement du jeudi… -, Houndégla passe son bac en 1985, étudie aux Beaux-Arts de Lyon de 1986 à 1991, s’attelle à une thèse de doctorat en architecture sur l’innovation dans l’habitat de la région côtière au Bénin, part dix-huit mois en coopération au Centre culturel français (CCF) de Bamako… À cette occasion, pour la première fois, l’Afrique n’est plus vue à travers le prisme familial mais sous « un angle personnel ». Marié à une Malienne, Franck Houndégla débute dans la scénographie chez l’architecte Philippe Délis et monte en 1997 l’agence de design Bi.cks, qui produit jusqu’en 2002 des objets en collaboration avec des artisans ivoiriens, béninois et maliens. Notamment un portemanteau Black Power inspiré par le poing levé de l’athlète africain-américain Tommie Smith protestant contre les discriminations raciales. « J’aimais le contact direct avec les artisans, le temps court entre la création et la réalisation, soutient Houndégla. Il y a une immédiateté assez agréable dans le design. » En 2003, les effets de la guerre du Golfe et les possibilités offertes par de gros projets mettent fin à l’aventure Bi.cks.

Né en France, nourri d’Afrique

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Le scénographe s’installe en indépendant et multiplie les activités : enseignement, interventions pour l’École du patrimoine africain de Porto-Novo (EPA), commissariat d’expositions (« A comme Afrique »), écriture d’essais (La Vie des systèmes, éditions Comp’Act, 2005), d’articles et de textes littéraires… À l’instar de l’architecte-star David Adjaye, il s’intéresse de près aux évolutions architecturales des villes africaines où « apparaissent des formes nouvelles ». Un projet de livre est d’ores et déjà visible sur son site (www.franckhoundegla.com).

Pour le père vétérinaire, le projet de retour au pays « s’est évaporé », notamment à cause de la conjoncture politique de l’époque. Né en France, nourri d’Afrique, Franck Houndégla retourne, lui, plusieurs fois par an sur le continent, parfaitement en équilibre sur le fil qui relie entre elles les cultures, solidement attaché aux deux piliers qui ont pour nom « dialogue » et « écoute ».

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