Armée française en Afrique : renégociation des accords de défense, rompre avec la « Françafrique »

Le 18 avril, Paris a finalisé la remise à plat des accords militaires passés avec ses anciennes colonies. Au final, des bases moins nombreuses et des effectifs réduits. L’essentiel, c’est de se faire discret.

Des soldats de la force française Licorne à Abidjan (archive). © AFP

Des soldats de la force française Licorne à Abidjan (archive). © AFP

Publié le 16 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

La boucle est bouclée. En signant avec le Sénégal un nouvel accord de défense, le 18 avril, la France a parachevé la remise à plat des pactes militaires qu’elle avait conclus au lendemain des indépendances avec huit de ses ex-colonies. La renégociation de ces textes controversés, considérés comme un des principaux leviers de la « Françafrique », avait été inaugurée par le Cameroun et le Togo en 2009, imités les mois suivants par le Gabon, la Centrafrique, les Comores, Djibouti et, plus récemment, la Côte d’Ivoire.

Alors que les précédents accords contenaient des clauses secrètes permettant à l’armée française d’intervenir en cas de troubles intérieurs, les nouveaux l’en empêchent de manière explicite. Une preuve, prétend Paris, que les temps ont changé et que l’époque des interventions tous azimuts (près de 50 opérations depuis trente ans) est révolue. Mais en Afrique, bien des observateurs font part de leurs doutes.

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« Arrêtons les fantasmes ! Tout se fait dans la transparence », a expliqué le Quai d’Orsay en réponse aux interrogations de la presse sénégalaise quant à d’éventuelles clauses secrètes. Et de rappeler que cette nouvelle donne juridique s’inscrit dans un projet plus vaste de réorganisation du dispositif militaire français sur le continent. Définie par le Livre blanc sur la sécurité et la défense publié en juin 2008, elle est dictée autant par des considérations budgétaires – la présence française en Afrique pesait 800 millions d’euros par an en 2008 – que par des visées géostratégiques.

« La menace a changé de visage, explique un officier français. Notre préoccupation n’est plus de soutenir des régimes. Notre préoccupation aujourd’hui, ce sont les trafics internationaux et les groupes terroristes. Or, pour cela, nous n’avons plus besoin de troupes nombreuses. Les moyens aériens de projection permettent de se passer des bases. »

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Vers la disparition de la force Licorne ?

La cure d’amaigrissement est drastique : en 1960, l’armée française comptait 30 000 hommes en Afrique ; en 1980, 15 000 ; aujourd’hui, ils sont à peine plus de 5 000. Rien qu’en 2011, près de 2 500 soldats ont quitté Dakar, Djibouti et Abidjan, où la force Licorne est passée de 1 700 hommes au plus fort de la crise postélectorale à 450 aujourd’hui.

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Au ministère français de la Défense, on rappelle que cette force provisoire mobilisée en 2002 « a vocation à disparaître ». Il en va de même du dispositif Épervier (un millier d’hommes déployés au Tchad depuis 1986), que la France envisage de transformer en pôle opérationnel de coopération et qui pourrait regrouper 300 hommes. Pour Paris, il s’agit de concentrer les moyens afin de s’adapter aux nouveaux enjeux. Un repli tactique, en quelque sorte.

Certes, aucune zone d’influence du continent n’échappe à la surveillance française. Mais la bande sahélienne, qui, selon le Livre blanc, « appelle une vigilance et un investissement spécifique », fait l’objet d’une attention particulière… et plus discrète que par le passé. Fini les hommes en treillis qui paradent dans les rues des capitales et inondent les bars le samedi soir. Désormais, la France envoie sur le terrain des instructeurs moins visibles et moins bruyants, dont certains stationnent plus volontiers dans les hôtels quatre étoiles que dans les camps militaires. « La priorité est donnée à la coopération avec les forces de sécurité africaines, afin qu’elles assurent elles-mêmes leur défense », indique un officier. En 2011, la France a ainsi formé près de 15 000 militaires issus de 31 pays d’Afrique subsaharienne. Ce soutien va de pair avec le développement du renseignement. « Face au terrorisme, c’est la meilleure arme », glisse l’attaché militaire d’une ambassade située dans un pays de l’Afrique de l’Ouest.

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