France : fabriquer français ? Oui, mais mieux !

A droite comme à gauche, ce sera le thème central de la campagne présidentielle française. Mais ce slogan ne réglera pas le problème essentiel : la perte de compétitivité des produits made in France, conséquence de leur qualité insuffisante.

C. Ghosn, M. VI et T. Basegmez à l’usine Renault de Tanger le 9 février. © Reuters

C. Ghosn, M. VI et T. Basegmez à l’usine Renault de Tanger le 9 février. © Reuters

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 27 février 2012 Lecture : 4 minutes.

Ça y est ! Nicolas Sarkozy est candidat à sa propre succession depuis le 14 février. Sa campagne électorale devrait largement reposer sur la promotion du made in France, afin de convaincre les électeurs que la défense de l’emploi national est son souci majeur, au moment où le taux de chômage se rapproche de la barre des 10 %.

Le président de la République a longuement analysé le mouvement des Indignés antimondialisation qui a fleuri de Madrid à Athènes. Il en a tiré la conclusion que le libéralisme commercial était unanimement condamné et qu’il serait un des sujets de débat de la campagne. Confirmation de cette exaspération lui a été fournie, le 9 février, avec l’inauguration par Mohammed VI de l’usine Renault-Dacia de Melloussa, près de Tanger, au Maroc. Que le monospace Lodgy qui en sortira soit vendu environ 10 000 euros, contre 21 500 euros pour le Scenic fabriqué à Douai, a fait hurler de colère la droite comme la gauche.

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"Scandale" à géométrie variable

Le bonheur des uns fait-il vraiment le malheur des autres ? Sans doute, à en juger par les réactions contrastées provoquées par l’inauguration à Tanger, le 9 février, d’une usine Renault censée produire dès cette année 70 000 monoplaces Dacia Lodgy par an. « Le Maroc trouve sa place sur la carte de l’industrie mondiale de l’automobile », s’est réjoui Abdelkader Amara, le ministre marocain de l’Industrie. « Halte aux délocalisations ! » lui répondent en choeur la majorité des hommes politiques français. Mais les médias marocains ont beau jeu de rappeler que les « scandalisés », à l’instar de l’ancien ministre Christian Estrosi, le sont beaucoup moins quand la France vend au Maroc un TGV, une frégate ou des tramway. Jean-Michel Meyer

L’ancien ministre UMP Christian Estrosi se déclare « scandalisé », son collègue Gérard Larcher rappelle à Renault sa « responsabilité sociétale » et l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin dénonce une « erreur stratégique ». Même les socialistes s’y mettent : Arnaud Montebourg parle de « prime à la casse » du fait d’un « dumping social » et Bruno Le Roux, le porte-parole du candidat Hollande, déplore la défaillance d’une puissance publique « low cost ».

Dans les états-majors, on fourbit un « achetez français » (Marine Le Pen) ou un « produire français » (François Bayrou). Cent cinquante députés se sont déclarés partisans de rendre obligatoire la mention « fabriqué en France ». Après la déconfiture de Photowatt, entreprise de Bourgoin-Jallieu (Est) spécialisée dans la fabrication de panneaux photovoltaïques que le chef de l’État a visitée le 13 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre de l’Écologie, prépare un achat de courant électrique 10 % plus cher, mais produit par des panneaux composés à 60 % d’éléments français afin de lui permettre de résister à la concurrence chinoise.

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Protectionnisme

Le projet de « TVA sociale » va dans le même sens de protection des emplois français. Il s’agirait d’alléger les charges patronales sur les salaires de 13,2 milliards d’euros et de compenser cet allègement par une hausse de deux points du taux normal de TVA (10,6 milliards d’euros attendus) et de la Contribution sociale généralisée (CSG) : 2,6 milliards d’euros attendus. Le coût du travail ainsi réduit, les initiateurs de ce dispositif s’attendent à ce que les produits des entreprises soient plus compétitifs, qu’ils se vendent mieux, et donc que les emplois soient consolidés en France. Le consommateur fera les frais de ce basculement.

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Ces ébauches de protectionnisme purement défensif présentent deux inconvénients. Le premier est que les étiquettes made in France visent avant tout à « susciter chez le consommateur français un réflexe d’achat en faveur des entreprises qui ont fait le choix de ne pas délocaliser une partie de leur chaîne de valeur », estime, dans une note récente, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Certes, diverses études, notamment celle du Credoc (un centre de recherches sociologiques), prouvent que le consommateur est prêt à surpayer un peu les produits fabriqués en France. Mais le CEPII rappelle que « les expériences passées (notamment la campagne "Nos emplettes font nos emplois", en 1993) ont vite tourné court ».

 Deux millions d’emplois industriels perdus. Inutile d’incriminer les 35 heures ou les délocalisations.

"Hors coûts"

Le second inconvénient est que le made in France ne règle pas le problème de la perte de compétitivité des produits français. Car les 2 millions d’emplois industriels supprimés dans l’Hexagone ne sont pas plus imputables aux trente-cinq heures, comme le pense la droite, qu’au dumping social des entreprises délocalisatrices, comme le pense la gauche. Si tel était le cas, l’Allemagne, qui a des coûts salariaux proches de ceux de la France, aurait encore plus de chômeurs qu’elle. Non, le mal français tient à ce que les spécialistes appellent le « hors coûts » : qualité et solidité des produits, mais aussi efficacité des services après-vente. C’est cela qui incite les acheteurs à accepter de payer un peu plus cher.

Or, en ces domaines, la France est en recul. Elle fait moins de recherche-développement (2,28 % de son PIB) que l’Allemagne (2,82 %). Un peu plus de 141 000 de ses entreprises exportent à l’étranger, contre 269 000 italiennes. Surtout, la France, contrairement à l’Allemagne, n’a pas joué astucieusement des avantages comparatifs des pays à bas salaires : les Porsche, par exemple, sont bien montées en Allemagne, mais la fabrication d’un grand nombre de leurs composants en Europe orientale abaisse leur prix final sans nuire à leur image haut de gamme. Le made in France de Nicolas Sarkozy ne pourrait réussir que s’il garantissait la satisfaction des acheteurs… du monde entier.

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