Journée mondiale contre le paludisme : la Côte d’Ivoire à l’heure de la moustiquaire

Au bout d’une longue file d’attente, la distribution de moustiquaires se déroule dans le calme à Abidjan: la Côte d’Ivoire, l’un des pays les plus touchés par le paludisme, tente de combler son retard dans la lutte contre cette maladie.

Un hôpital d’Abidjan, capitale ivoirienne, le 24 avril 2015. © Sia Kambou/AFP

Un hôpital d’Abidjan, capitale ivoirienne, le 24 avril 2015. © Sia Kambou/AFP

Publié le 25 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

"Je ne veux pas vous voir revendre les moustiquaires sur les marchés", gronde Delphine Kiebi, dans sa blouse rose de sage-femme, tout en manipulant une moustiquaire, l’air grave.

Face à elle, une dizaine de femmes enceintes, vêtues de pagnes amples et colorés, écoute attentivement ses consignes dans la cour de l’hôpital de Port-Bouët, une commune d’Abidjan.

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Avec 63.000 décès d’enfants de moins de cinq ans du fait du paludisme chaque année, la Côte d’Ivoire totalise à elle seule 15% de la mortalité infantile due à cette maladie sur le continent africain.

Toutes les heures, sept petits Ivoiriens en décèdent. Le paludisme, dont la journée mondiale de lutte se tient samedi, est la première cause de décès d’enfants dans le pays. Les femmes enceintes constituent également une cible prioritaire.

La maladie affecte le développement du foetus et peut conduire à un accouchement prématuré ou à des fausses couches, mais aussi à des carences graves chez le nouveau-né.

Aux urgences pédiatriques de l’hôpital de Port-Bouët, le chef de service Denis Koffi, stéthoscope autour du cou, ausculte un garçonnet de 6 ans allongé sous une moustiquaire.

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"Celui-ci n’a pas le palu", sourit-il, avant de rappeler que "90% des enfants" admis dans son service sont atteints de la maladie.

La moustiquaire reste le moyen le plus efficace pour éviter de contracter le paludisme. Mais faute d’éducation, beaucoup l’utilisent encore comme filet de pêche ou éponge pour la vaisselle.

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"Elle commence seulement à entrer dans nos habitudes en Côte d’Ivoire. Certaines femmes ont encore peur d’étouffer si elles dorment dessous. On est là pour leur montrer que ce n’est pas le cas", explique Mme Kiebi.

Depuis novembre 2014, le ministère de la Santé, avec l’appui logistique de l’Unicef et le soutien financier du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, distribue des moustiquaires imprégnées dans la région d’Abidjan.

"Couverture universelle"

Le reste du territoire est désormais équipé, avec 9,6 millions d’unités déjà données. Treize millions de moustiquaires seront fournies au total. De quoi protéger l’ensemble des 25 millions d’Ivoiriens, une moustiquaire étant destinée à deux personnes.

"La crise postelectorale a créé un ralentissement dans toutes les questions de santé publique. Mais avec cette couverture universelle du territoire, on a déjà fait un pas important pour lutter contre la maladie", commente Louis Vigneault-Dubois, porte-parole de l’Unicef en Côte d’Ivoire.

La Côte d’Ivoire sort d’une décennie de crise politico-militaire, ponctuée par des violences postélectorales en 2010-2011, qui firent plus de 3.000 morts.

Plus de la moitié des centres de santé ont fermé durant la période 2002-2010, selon la Banque mondiale. De nombreux hôpitaux et autres dispensaires ont été pillés sur l’ensemble du territoire et restent en très mauvais état.

A quelques centaines de mètres de l’hôpital de Port-Bouët, à la mairie, des dizaines de personnes font la queue pour récupérer des moustiquaires et assister à une démonstration de son utilisation.

"Maintenant je sais bien l’installer. Et je ne vais pas l’utiliser pour faire la vaisselle mais pour protéger mes dix enfants des piqûres de moustique", promet Maimouna Karamoko, une quadragénaire en boubou beige et jaune.

Le paludisme est une maladie endémique dans 97 pays, à laquelle 3,2 milliards de personnes, la moitié de la population mondiale, est exposée. Il tue chaque année plus de 580.000 personnes sur la planète, et demeure l’une des principales causes de mortalité en Afrique subsaharienne, selon le programme "Roll Back Malaria", piloté notamment par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Unicef.

Depuis 2000, de nombreux progrès ont néanmoins été accomplis, grâce à la multiplication par trois des financements nationaux et internationaux combinée au progrès scientifique. Le taux de mortalité a baissé de 54% en Afrique. Mais il faudrait encore doubler les budgets annuels pour passer de 2,6 milliards de dollars à 5,1 milliards afin d’être en mesure d’éradiquer la maladie au niveau mondial, note le Fonds mondial.

(AFP)

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