Afrique du Sud : Zuma annule un voyage après de nouvelles violences xénophobes

Le président sud-africain Jacob Zuma a annulé samedi un voyage à l’étranger après une nouvelle nuit de violences xénophobes perpétrées par des casseurs et pilleurs, qui ont contraint la police à muscler sa présence sur le terrain.

Une foule en colère manifeste le 17 avril 2015 contre des immigrants à Johannesburg. © AFP

Une foule en colère manifeste le 17 avril 2015 contre des immigrants à Johannesburg. © AFP

Publié le 18 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

En trois semaines, les violences, qui ont éclaté avant Pâques à Durban (est) dans la province natale du chef de l’Etat, ont fait au moins six morts (15, selon une association) et 5.000 déplacés. La police a confirmé samedi la mort d’un autre étranger dans le township d’Alexandra, où s’entassent 400.000 personnes à Johannesburg. Mais elle s’est refusé à établir un lien dans l’immédiat avec les violences en cours et n’a pas révélé sa nationalité.

L’homme a été poignardé et est décédé à l’hôpital, selon des photographes locaux. Alors que la pression diplomatique s’accentue pour éviter une réédition du bain de sang de 2008 –il y avait eu 62 morts dans des violences xénophobes–, M. Zuma, qui devait s’envoler samedi soir pour le 60e anniversaire du sommet des Non-Alignés en Indonésie, a annulé ce déplacement "pour s’occuper des affaires intérieures liées aux violences contre les étrangers".

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La présidence a appelé la police "à continuer à travailler sans relâche pour protéger les populations et faire juger les auteurs" de violences. Elle a annoncé qu’elle allait la semaine prochaine "engager le dialogue", parce que "nous avons besoin que tous les leaders travaillent ensemble pour faire revenir la situation à la normale". Alors que les pilleurs se déchaînaient à Alexandra vendredi soir, le Forum de la diaspora africaine (ADF) a demandé l’intervention de l’armée.

Mugabe condamne

Le gouvernement "compte attendre jusqu’à combien d’immigrants tués pour utiliser l’armée comme en 2008?", a déclaré le porte-parole de cette association, Jean-Pierre Lukamba, d’origine congolaise. Samedi, des unités de la police municipale de Johannesburg et de la police anti-émeute ont été déployées en renfort dans les townships ou quartiers de la capitale économique.

Le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) s’est dit "très préoccupé". Dans la région, des pays d’origine des immigrés se préparaient à rapatrier certains de leurs ressortissants. Le président zimbabwéen Robert Mugabe, allié historique de l’ANC –le parti au pouvoir en Afrique du Sud–, a dénoncé des actes "impardonnables" dans un discours prononcé pour l’anniversaire de l’indépendance nationale, tout en se disant rassuré par les déclarations de Jacob Zuma.

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Les violences sont désormais surtout le fait "de petits groupes de 20 à 30 personnes qui en profitent pour piller et casser", a précisé un porte-parole de la police provinciale, Lungelo Dlamini. "Plus de 30 personnes ont été arrêtées la nuit dernière et seront poursuivies pour violences publiques, vol, effractions et destruction volontaire", a-t-il indiqué.

A Alexandra, grand township pauvre du nord de Johannesburg à la réputation sulfureuse, "des magasins ont été victimes d’effractions et volés, de petits commerces appartenant à des étrangers", selon M. Dlamini. Notamment des épiciers éthiopiens, selon des témoignages. Samedi, plusieurs magasins ont gardé leur rideau baissé.

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Grande marche pacifique

Des violences se sont aussi produites dans le sud-est à Thokoza, et les quartiers de Cleveland et Jeppestown ont aussi été touchés : vendredi soir, un face-à-face violent a opposé les riverains d’un foyer de travailleurs de Jeppestown et la police. En revanche, à Durban, le grand port sud-africain sur l’Océan Indien, le calme était de mise pour le troisième jour consécutif.

Jeudi, les autorités ont organisé une grande marche pacifique pour dire "non" à la xénophobie, et les dons affluent auprès des ONG pour venir en aide aux déplacés réfugiés dans cinq camps provisoires. En 2008, les violences xénophobes avaient fait 62 morts, dont une vingtaine de Sud-Africains pris dans les affrontements.

Depuis, les violences de ce genre sont récurrentes chez ce géant économique du continent, qui accueille deux millions d’émigrants africains officiellement recensés et de nombreux réfugiés et sans-papiers. Ces troubles reflètent les frustrations de la majorité noire du pays, toujours privée d’accès à une école de qualité, à des salaires décents ou à l’emploi tout court.

A Maputo, la capitale mozambicaine, une centaine de personnes ont marché samedi jusqu’à l’ambassade d’Afrique du Sud. "Ces actes xénophobes sont très tristes car l’Afrique du Sud et le Mozambique ont une histoire extrêmement liée, nous les avons considérablement appuyés au moment de l’apartheid", a déclaré à l’AFP Amilcar Manhica Junior, un manifestant.

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