Le Burkina attend son gouvernement, le poids du président intérimaire en question

Le Burkina Faso attendait samedi de connaître son gouvernement pour une transition d’un an, un test majeur sur le rapport de forces entre le président intérimaire Michel Kafando et son Premier ministre, le lieutenant-colonel Isaac Zida.

Le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida, le 21 novembre 2014 à Ouagadougou. © AFP

Le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida, le 21 novembre 2014 à Ouagadougou. © AFP

Publié le 22 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

C’est l’heure des ultimes "petits réglages", a affirmé à l’AFP un officier proche du lieutenant-colonel Zida, l’homme fort du pays depuis la chute du président Blaise Compaoré le 31 octobre, chassé par la rue après 27 ans de règne. M. Zida, désormais Premier ministre, va présenter la composition du gouvernement au président Kafando samedi "en début d’après-midi", a ajouté cette source.

"S’il est d’accord, on publie le gouvernement ce soir". Le casting ministériel avait été annoncé pour jeudi, puis pour samedi au plus tard. Divergences et rivalités au sein de l’opposition et de la société civile, dont un militaire dénonçait les "appétits voraces", ont compliqué le processus.

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"On va voir si le numéro 2 a plus de pouvoir que le numéro 1"

La composition du gouvernement sera scrutée à la loupe: elle permettra d’en savoir plus sur la répartition des pouvoirs au sommet de l’Etat. "Maintenant qu’on a un numéro 1 et un numéro 2, on va voir si le numéro 2 a, oui ou non, plus de pouvoir que le numéro 1", a décrypté un diplomate.

Si l’armée s’octroie les portefeuilles clés, la mainmise d’Isaac Zida devrait être ouvertement confirmée, selon des experts du dossier, même si le lieutenant-colonel a transmis symboliquement le pouvoir vendredi au président intérimaire. Si, à l’inverse, les civils occupent les principaux ministères (Sécurité, Affaires étrangères, Finances, etc.), cela signifiera que Michel Kafando gagne en indépendance… ou que l’armée manoeuvre plus subtilement.

Les militaires ont d’ores et déjà annoncé qu’ils nommeraient des civils sur leur quota de postes. Le président et le Premier ministre attribueront 11 portefeuilles sur 25, avait déclaré jeudi à l’AFP un officier proche du Premier ministre. Le poste de ministre de la Défense, promis à Isaac Zida, qui devait cumuler cette fonction avec celle de chef du gouvernement, devrait finalement revenir à un autre militaire, ont indiqué des sources au sein de l’armée.

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Sur les 14 autres ministres, "huit à neuf" proviendront des partis politiques de l’ancienne opposition à M. Compaoré, et "cinq à six" de la société civile, détaillait l’officier.

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Il faut faire vite, le gouvernement intérimaire n’ayant qu’un an pour faire ses preuves. La transition s’achèvera avec la tenue d’élections présidentielle et législatives en novembre 2015 dans ce pays pauvre sahélien de 17 millions d’habitants.

Aucun membre de l’exécutif ne pourra être candidat aux scrutins dans cette ex-colonie française. Vendredi dans son discours d’investiture, M. Kafando a d’ores et déjà fixé un cap très clair: tourner la page des années Compaoré, un régime que ce haut diplomate a pourtant représenté aux Nations unies de 1998 à 2011.

"Avec ceux qui ont méprisé cette justice et qui pensent qu’ils peuvent dilapider impunément le denier public, nous réglerons bientôt les comptes", a affirmé le président intérimaire, dénonçant les "richesses inexpliquées", les "privilèges indus" et les "avantages oligarchiques" du clan Compaoré.

Nommé lundi après deux semaines d’intenses tractations, il a envoyé un autre signal fort en annonçant des investigations pour identifier le corps du président Thomas Sankara, tué lors du putsch qui porta au pouvoir en 1987 Blaise Compaoré.

La famille Sankara demande depuis 1997 l’exhumation de la dépouille de cette icône du panafricanisme pour vérifier que le corps enterré est bien le sien, ce que la justice burkinabè n’a jusqu’à présent jamais accepté.

Le président intérimaire "récupère" et "surfe" sur "les thèmes qui portent": "Sankara, pour les jeunes, et la morale pour une certaine opinion qui réprouvait la gestion du régime Compaoré", analyse Siaka Coulibaly, un politologue burkinabè. Mohamed Ndo, un mécanicien de 31 ans, est visiblement convaincu par cette entrée en matière. "Les choses ne doivent plus être comme avant. Le soulèvement populaire, c’est pour le changement, et celui qui est là doit le montrer!"

(AFP)

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