« Big men », un documentaire choc sur le pétrole en Afrique de l’Ouest

La cinéaste américaine Rachel Boynton a mis presque dix ans à réaliser un documentaire consacré à la production de pétrole en Afrique de l’Ouest, « Big Men », un film produit par Brad Pitt et encensé par la critique.

Brad Pitt et Rachel Boynton lors de la promotion de « Big Men », le 26 mars 2014, à Los Angeles. © Kevin Winter/AFP

Brad Pitt et Rachel Boynton lors de la promotion de « Big Men », le 26 mars 2014, à Los Angeles. © Kevin Winter/AFP

Publié le 12 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Produit par l’acteur Brad Pitt, le film montre notamment, fait rare, le conseil d’administration d’une compagnie pétrolière américaine s’apprêtant à lancer l’exploitation de nouveaux gisements découverts au Ghana.

On y voit aussi des activistes de la région pétrolifère du Delta du Niger, dans le sud du Nigeria, dont l’insurrection avait entravé la production de brut jusqu’à la signature d’un accord d’amnistie en 2009.

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"Big Men" a été présenté l’année dernière en avant-première au Festival du film de Tribeca de New York et est sorti en salles aux Etats-Unis le mois dernier.
"Si (le film) devait avoir une conclusion, ce serait simplement: chacun ne pense qu’à soi", a expliqué Mme Boynton dans un entretien à l’AFP.

Le Nigeria, dont les importants revenus pétroliers ont été largement érodés par des décennies de corruption, était censé être le sujet principal du film.
Mais quand la société texane Kosmos Energy a commencé à s’investir dans le forage de puits offshore au large du Ghana, la cinéaste a décidé d’inclure ce pays dans son film.

"La partie du film qui se déroule au Ghana concerne vraiment un conflit entre un gouvernement et une compagnie", explique-t-elle. "Et le conflit au Nigeria est vraiment un conflit entre un gouvernement et son peuple".

>> Lire : Soupçons de corruption pétrolière au Ghana sous l’ère Kufuor

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"Pas un autre Nigeria"

Des comparaisons sont souvent faites entre les deux anciennes colonies britanniques, le Ghana et le Nigeria, en particulier depuis que le premier a commencé à produire du brut fin 2010.

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Quant au Nigeria, premier producteur de brut d’Afrique, il est pour beaucoup l’exemple même des ravages que peut entraîner l’or noir pour un pays s’il est mal géré. Au Ghana, des responsables officiels, des entreprises privées et des personnalités de la société civile soulignent avec insistance dans le film que leur pays ne doit pas devenir un autre Nigeria.

>> Lire Delta du Niger : une marée noire en continu

Le Ghana produit actuellement environ 100.000 barils par jour – soit moins que la quantité volée quotidiennement au Nigeria, qui a extrait environ deux millions de barils par jour en 2013. Malgré quelques incidents mineurs, le Ghana a jusqu’à présent été loué pour la gestion de son secteur pétrolier naissant : pas d’insurrection dans sa région productrice de pétrole, adoption de loi destinées à promouvoir la transparence et assurer la répartition équitable des revenus pétroliers…

Pour Mme Boynton, il est trop tôt pour dire si ces lois ont porté leurs fruits. "Il n’y a aucun moyen de connaître la réponse à cette question avant, je dirais, une dizaine d’années", déclare-t-elle. "Tous ceux à qui j’ai parlé au Ghana semblent avoir une vraie volonté (…) de faire les choses correctement".

Nature humaine

Au Nigeria, cet optimisme a disparu depuis longtemps. Les scandales de corruption retentissants liés au pétrole sont innombrables. Un exemple récent met en évidence l’effet fâcheux de ces pratiques.

L’ancien gouverneur de la Banque centrale, Lamido Sanusi, a été limogé récemment après avoir accusé la compagnie pétrolière nationale d’avoir détourné 20 milliards de dollars (14,5 milliards d’euros) de revenus pétroliers pour 2012-2013. Le gouvernement a prétendu que M. Sanusi a été renvoyé pour avoir commis des "imprudences financières". Nombre d’observateurs soupçonnent qu’il a en fait été victime d’une vengeance politique parce qu’il avait osé révéler l’étendue de la corruption à haut niveau.

Quant à l’amnistie accordée aux militants du Delta du Niger, qui a fait retomber la violence, les analystes craignent que les troubles ne reprennent quand l’accord, qui prévoyait également d’importantes compensations pour les dirigeants de l’insurrection, arrivera à expiration en 2015.

Filmer les insurgés du Delta était bien plus compliqué que d’obtenir le consentement de filmer chez Kosmos. Mais Mme Boynton a réussi, alors même que les groupes armés de la région n’acceptent généralement pas de femmes dans leurs camps.

Bien qu’il décrive l’interaction entre des sociétés américaines, des gouvernements africains et des insurgés du pétrole, "ce n’est pas un film qui arrive à une espèce de conclusion politique sur l’équité d’un contrat en particulier", assure Mme Boynton. "C’est un film sur la nature humaine".

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