France : séisme politique après les aveux de Jérôme Cahuzac sur son compte en Suisse

L’ancien ministre français du Budget, Jérôme Cahuzac, a reconnu mardi 2 avril détenir un compte à l’étranger depuis une vingtaine d’années. Il a été mis en examen pour blanchiment, revenant sur des semaines de dénégations et provoquant un séisme politique qui met le gouvernement en difficulté.

Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Budget. © AFP

Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Budget. © AFP

Publié le 3 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

L’ancien ministre, qui a été entendu à sa demande par les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, a avoué détenir un compte bancaire à l’étranger depuis une vingtaine d’années et ordonné que les 600 000 euros actuellement sur ce compte soient rapatriés sur son compte à Paris.

Le président de la République, François Hollande, a pris « acte avec grande sévérité des aveux de Jérôme Cahuzac », qui « a commis une impardonnable faute morale » en « niant les faits », a déclaré l’Élysée. L’entourage du chef de l’État a assuré que l’ex ministre avait nié du début à la fin « les yeux dans les yeux » face au président la détention de ce compte. « Dès qu’on a eu le moindre doute dans la procédure (judiciaire), il est parti du gouvernement », a-t-on insisté de même source, dans la soirée, en ajoutant : « il n’y avait pas de demi-mesure ». L’ entourage a affirmé ne pas avoir fait preuve de « naïveté », invoquant la « défaillance d’un homme » qui a « menti à toutes les autorités de l’État ».

la suite après cette publicité

La droite s’est aussitôt emparée de ces révélations pour attaquer les deux têtes de l’exécutif, s’interrogeant sur la connaissance que le Président et le Premier ministre avaient de ce mensonge. Dépêché en urgence sur le plateau de France 2, Jean-Marc Ayrault s’est placé sur la même ligne de défense que François Hollande. « Je n’avais aucune raison de ne pas croire » Jérôme Cahuzac, « je viens vous dire que je ne savais rien », a assuré le Premier ministre.

Blanchiment de fraude fiscale

M. Cahuzac, qui a démissionné du gouvernement le 19 mars, a été mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale et blanchiment de fonds provenant d’avantages procurés par une entreprise dont les services ou produits sont pris en charge par la Sécurité sociale, a annoncé l’un de ses avocats, Me Jean Veil.

« Ce compte n’a pas été abondé depuis 2001 et l’essentiel de ses revenus provenait de son activité de chirurgien et accessoirement de son activité de consultant », a déclaré l’avocat. M. Cahuzac a été consultant pour l’industrie pharmaceutique après son passage comme conseiller technique au sein du cabinet du ministre de la Santé PS, Claude Evin (1988-91). Le compte ouvert en Suisse « a été transféré à Singapour en 2009 », a-t-il précisé.

la suite après cette publicité

Ouvert dans un premier temps chez UBS en Suisse, il a été transféré au sein d’un autre établissement suisse, Reyl et Cie, avant d’être déplacé dans une succursale de Singapour de cet établissement, comme l’a révélé le Canard Enchaîné. Après des semaines de dénégations, l’ancien ministre s’est résolu à avouer « une faute inqualifiable » et à « demander pardon ».

« À Monsieur le président de la République, au Premier Ministre, à mes anciens collègues du gouvernement, je demande pardon du dommage que je leur ai causé », a dit M. Cahuzac sur son blog. « À mes collègues parlementaires, à mes électeurs, aux Françaises et aux Français, j’exprime mes sincères et plus profonds regrets. Je pense aussi à mes collaborateurs, à mes amis et à ma famille que j’ai tant déçus », a-t-il ajouté. « Penser que je pourrais éviter d’affronter un passé que je voulais considérer comme révolu était une faute inqualifiable. J’affronterai désormais cette réalité en toute transparence », a-t-il dit.

la suite après cette publicité

"La fin de la gauche morale"

Les avocats de M. Cahuzac, Mes Veil et Jean-Alain Michel, évaluent le montant du blanchiment à environ 30 000 euros. « Nous avons fait observer que les faits se rapportant à l’ensemble des recettes sont aujourd’hui largement prescrits », a ajouté Me Veil. Le blanchiment de fraude fiscale est puni de 5 ans de prison et 375.000 euros d’amende. « Aucune mesure de cautionnement n’a été prononcée » contre M. Cahuzac « qui s’est contenté de faire une déclaration aux juges », a poursuivi son avocat.

Quelques jours après la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bettencourt, la droite a enjoint le président et le gouvernement de s’expliquer. Le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, a déclaré avoir « du mal à imaginer que Hollande et Ayrault n’aient pas été au courant de la situation ».

Jean-François Copé, président de l’UMP, a estimé que le mensonge de Jérôme Cahuzac « signait définitivement la fin de la gauche morale » et que le président Hollande devait « s’en expliquer devant les Français ». Même tonalité au FN, qui a parlé d’une « affaire d’État ». « Le président de la République et le gouvernement ne pouvaient ignorer le fond de cette affaire et ses conséquences prévisibles », a réagi le parti de Marine Le Pen.

Après la révélation de l’affaire début décembre par le site d’information Mediapart, l’ancien ministre avait nié les faits et déclaré devant l’Assemblée nationale : « Je démens catégoriquement les allégations. Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte à l’étranger. Ni maintenant, ni avant ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires