L’Inde rejette une demande de brevet de Novartis au profit des génériques

La cour suprême indienne a rejeté lundi une demande de brevet du Suisse Novartis pour un traitement anticancer, un soulagement pour les associations qui estiment que cette décision majeure va protéger l’accès à des versions génériques de médicaments pour les patients pauvres de pays émergents.

Manifestation contre le groupe pharmaceutique suisse Novartis, le 10 juillet 2012 à New Delhi. © AFP

Manifestation contre le groupe pharmaceutique suisse Novartis, le 10 juillet 2012 à New Delhi. © AFP

Publié le 1 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Novartis était engagé depuis sept ans dans une bataille judiciaire visant à obtenir la protection d’un brevet pour une nouvelle version de son puissant médicament Glivec, en estimant que la formule avait été significativement améliorée et permettait à l’organisme de mieux l’absorber.

Mais la plus haute juridiction du pays a considéré que la composition rénovée du Glivec, un traitement contre la leucémie, ne remplissait pas les critères de "nouveauté ou de créativité" requis par la loi indienne.

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"C’est un énorme soulagement", a commenté Leena Menghaney, conseil juridique de Médecins sans frontières (MSF). "Cela va sauver de nombreuses vies, non seulement en Inde mais aussi dans d’autres pays en développement", a-t-elle estimé, interrogée devant la cour suprême.

Selon Mme Menghaney, le Glivec est vendu 4.000 dollars par patient et par mois, alors qu’en Inde l’actuelle version générique est disponible à moins de 73 dollars.

"La décision ne signifie pas qu’aucun brevet ne sera accordé en Inde. Cela veut dire qu’il y aura un effort pour lutter contre les abus consistant à vouloir obtenir plusieurs brevets pour un seul médicament", a-t-elle ajouté.

Lutter l’"evergreening"

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L’Inde délivre des brevets pour des formules datant d’après 1995 ou pour des médicaments améliorés montrant des signes manifestes de plus grande efficacité.

Cette disposition est destinée à lutter contre la technique dite d’"evergreening" consistant pour les groupes pharmaceutiques à déposer des brevets pour un produit faiblement modifié de façon à en conserver pour des décennies supplémentaires le droit exclusif d’exploitation.

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Novartis a condamné ce jugement en estimant qu’il décourageait "la découverte pharmaceutique innovante" essentielle à la recherche médicale.

"Novartis n’a jamais reçu de brevet original pour le Glivec en Inde. Nous pensons fermement que l’innovation devrait être reconnue par des brevets pour encourager l’investissement dans l’innovation médicale, en particulier pour les besoins médicaux non satisfaits", a détaillé le groupe dans un communiqué.

"Cette décision est un revers pour les patients et cela va freiner les progrès médicaux pour des maladies sans options de traitement efficace", a dénoncé le groupe qui a enregistré un bénéfice net de 9,6 milliards de dollars (7,4 mds EUR), en 2012.

Cette affaire était suivie de près par les groupes pharmaceutiques mondiaux, pour qui la protection des brevets est vitale pour stimuler la recherche et le développement de nouveaux médicaments.

L’Inde est en outre devenue un marché juteux pour les grands groupes. Le marché pharmaceutique dans ce pays émergent de 1,2 milliard d’habitants devrait représenter un chiffre d’affaires de 74 milliards de dollars en 2020, contre 11 milliards de dollars en 2011.

Les associations, elles, craignaient qu’un feu vert de la cour suprême ne prive les patients pauvres d’un générique bon marché.

Novartis avait déposé en 2006 une demande de brevet pour le Glivec mais elle avait été rejetée par la justice indienne en première instance comme en appel.

"Fou de joie"

Un avocat représentant l’Association indienne d’aide aux malades du cancer, Anand Grover, s’est dit "fou de joie" après la décision rendue par la cour suprême. "Cela va donner un énorme coup de pouce pour fournir aux pauvres des médicaments à des prix abordables", a-t-il souligné.

Pratibha Singh, avocate du géant pharmaceutique indien spécialisé dans les génériques Cipla, a de son côté estimé que "la décision aura des conséquences pas seulement pour l’Inde mais aussi pour d’autres pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine".

"La décision souligne aussi clairement que l’on ne peut breveter un médicament en ne faisant que quelques modifications mineures", a-t-elle ajouté.

Avant la décision, Novartis avait menacé de suspendre la fourniture de nouveaux médicaments à l’Inde si la justice ne tranchait pas en sa faveur.

"Si la situation actuelle demeure, à savoir que toutes les améliorations d’une molécule originale ne sont pas protégeables, ces (nouveaux) médicaments ne seront pas commercialisés en Inde", avait ainsi prévenu Paul Herrling, un responsable de Novartis, cité dimanche par le Financial Times.

L’Inde est depuis des années un fournisseur de médicaments génériques à bas coûts dans le traitement du cancer, de la tuberculose et du sida. Le pays n’a pas délivré de brevets jusqu’en 2005, avant de devoir adhérer aux règles de propriété intellectuelle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

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