Football camerounais : les « stats » d’une crise historique

Trois CAN ratées, une Coupe du monde au goût amer, des anciennes gloires qui se déchirent… Le football camerounais traverse actuellement l’une des pires périodes de son histoire. Où en est-il vraiment ? Analyse statistique du chaos.

Samuel Eto’o a pris sa retraite internationale fin 2014. © Pierre-Philippe Marcou/AFP

Samuel Eto’o a pris sa retraite internationale fin 2014. © Pierre-Philippe Marcou/AFP

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Publié le 21 mai 2015 Lecture : 5 minutes.

Ces derniers mois, le football camerounais fait la une des journaux davantage pour les querelles de ses anciens joueurs, Roger Milla et Joseph-Antoine Bell notamment, ou pour les intrigues de la fédération camerounaise de football (Fecafoot), que pour ses performances sportives. Et pour cause, alors que les Lions indomptables étaient, il y a encore quinze ans, une équipe redoutée, et donc appréciée en match de préparation par les grosses cylindrées européennes, ils doivent aujourd’hui se contenter d’oppositions moins attractives.

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Le 30 mars dernier, le Cameroun s’est péniblement défait (3-2, à l’extérieur) de l’équipe de Thaïlande, classée 142e au classement Fifa, après avoir remporté, cinq jours plus tôt une victoire sur l’Indonésie (156e) par la plus petite des marges (1-0). Deux victoires certes, mais qui n’ont pas rassuré grand monde après les résultats catastrophiques de la Coupe d’Afrique des nations 2015 (défaite au premier tour) et de la Coupe du monde 2014, où l’équipe a terminé dernière de la compétition, sans aucune victoire.

La pire crise (sportive) de son histoire ?

Cela ne fait aucun doute. Il faut remonter aux années 70 pour retrouver un tel passage à vide en termes de résultats. L’équipe avait alors manqué quatre Coupes d’Afrique d’affilée entre 1974 et 1980 avant d’être défaite au premier tour en 1982. Mais la compétition se jouait alors à huit sélections. Et les performances antérieures du Cameroun (une 3e place en 1972), ne poussaient pas encore à la nostalgie d’un glorieux passé. Il en est tout autrement aujourd’hui.

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Un effectif insuffisant ?

Force est de constater que le Cameroun n’est pas aujourd’hui  au niveau de ses ambitions. Pourtant, l’effectif a de quoi faire saliver bon nombre de sélectionneurs à travers la planète. Sur les 23 joueurs de la CAN 2015, 19 évoluent dans un club européen, dont Nicolas Nkoulou (Olympique de Marseille), Henri Bedimo (Olympique lyonnais), Aurélien Chedjou (Galatasaray), Stéphane Mbia (FC Séville), Clinton Njié (Olympique Lyionnais), Vincent Aboubakar (FC Porto) ou Éric Choupo-Moting (Shalke 04). De quoi créer une belle ossature.

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Nombre de joueurs camerounais ayant fini dans le top 5 d’un des cinq grands championnats européens, depuis 2010.
(Cliquez sur les pays pour afficher le nom des joueurs)

Si les joueurs camerounais s’exportent un peu moins bien depuis quelques années, 14 évoluent encore dans un des cinq grands championnats européens ("Big 5" : Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie). Quant à la filière nationale, elle continue de tourner autour des deux meilleures formations camerounaises des deux dernières décennies : le Cotonsport Garoua et le Canon Yaoundé, souvent présentes dans les compétitions continentales africaines, notamment en Ligue des champions de la Confédération africaine de football (CAF).

Le secteur du milieu de terrain est sans doute le plus problématique. Stéphane Mbia, vainqueur de la Ligue Europa avec le FC Séville en 2014 et auteur de huit buts cette saison avec son club, est sans doute trop esseulé pour rivaliser avec des entrejeux de niveau international.

Un duo manquant ?

SI la charnière centrale est un chantier prioritaire, c’est en attaque que se sont souvent dessinés les succès des Lions indomptables. Le plus souvent en duo. Entre 1984 et 1990, le Cameroun traverse ainsi l’une des périodes les plus fastes de son histoire sous la houlette de Théophile Abega (milieu de terrain) et de Roger Milla (attaquant), meilleurs buteurs de leur équipe lors des CAN victorieuses de 1984 et 1988. Et, en 2000 et 2002, c’est encore à un duo, celui de Patrick Mboma et Samuel Eto’o, que les Lions doivent en partie leur victoire à la CAN.

Samuel Eto’o est-il ensuite trop esseulé pour supporter le poids de l’équipe nationale ? Est-il trop utilisé en club pour apporter une contribution pleine et entière en sélection ? Toujours est-il que les performances des Lions déclinent. Et que l’attaquant, souvent en désaccord avec les sélectionneurs successifs, prend sa retraite internationale fin 2014, après une Coupe du monde ratée (blessé, il n’a disputé qu’un seul match). Depuis, le public cherche un successeur au quadruple ballon d’or africain.

 

Un duo retrouvé ?

Faut-il croire en un nouveau duo de choc à la pointe des Lions indomptables ? Clinton Njié et Vincent Aboubakar en ont en tout cas le profil. Le premier, joueur de l’Olympique lyonnais, qualifié en Ligue des champions la saison prochaine, vient d’être nommé, à 21 ans, meilleur espoir du championnat de France. Sélection et club réunis, il a inscrit onze buts et totalise huit passes décisives cette saison.

Le second, 23 ans, est issu du Cotonsport Garoua avec qui il a été champion du Cameroun en 2010. Il a inscrit 12 buts en 17 matchs lors de l’exercice 2014-2015 avec le FC Porto. Lui aussi qualifié pour la prochaine Ligue des champions, il avait fait partie de la liste de Paul Le Guen pour la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. Et comme son illustre aîné Roger Milla, il a débuté en France sous les couleurs de Valenciennes. Un signe ?

Clinton Njié et Vincent Aboubakar

 

Un problème de sélectionneur ?

Le sélectionneur sert souvent de bouc-émissaire en cas de crise. En particulier au Cameroun où ils sont nombreux à avoir fait les frais des intrigues liant Fecafoot, anciens joueurs et ministres des Sports successifs, à l’instar de Denis Lavagne en 2012. D’aucuns ne se privent donc pas de tirer à boulets rouges sur l’entraîneur allemand Volker Finke, au palmarès il est vrai peu étoffé (un championnat de deuxième division allemande). Pourtant, Claude Le Roy, vainqueur de la CAN 1988, n’avait lui aussi que des références nationales à offrir, comme ancien entraîneur d’Amiens et de Grenoble, lors de sa prise de fonction en 1985. Même chose pour le Russe Valeri Nepomniachi, à la tête de la sélection quart de finaliste du mondial 1990.

D’autres réclament également à grands cris le recrutement d’un sélectionneur camerounais. Au-delà de l’aspect politique, les statistiques montrent que, sur les 41 sélectionneurs ayant dirigé les Lions indomptables depuis 1965, seuls neuf étaient en effet des enfants du pays. Deux Français (Claude Le Roy en 1988, Pierre Lechantre en 2000), un Yougoslave (Radivoje Ognjanovic, 1984) et un Allemand (Winfried Schäfer en 2002) ont remporté la Coupe d’Afrique tandis que les Camerounais ont souvent été cantonnés aux seconds rôles. Seul l’un d’entre eux (Jean Manga Onguéné, 1998) est parvenu à hisser son équipe en quart de finale. Mais le problème n’est sans doute que très peu lié à la nationalité du sélectionneur.

Répartition des nationalités des sélectionneurs depuis 1965

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