Fadel Barro : « Ils ne pourront pas arrêter l’avancée de Filimbi » en RDC

Journaliste et cofondateur de « Y’en a marre », le Sénégalais Fadel Barro faisait partie des activistes arrêtés le 15 mars à Kinshasa après avoir participé à une réunion du mouvement citoyen congolais Filimbi. Relâché au bout de trois jours et rentré à Dakar, il est toujours en contact avec ses camarades congolais et se mobilise pour la libération de ceux qui sont encore détenus. Interview.

Fadel Barro, journaliste sénégalais. © Emilie Regnier pour JA

Fadel Barro, journaliste sénégalais. © Emilie Regnier pour JA

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 2 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : vous avez été arrêté le 15 mars à Kinshasa avec vos camarades de Y’en a marre, du Balai citoyen et de Filimbi ("sifflet", en swahili). Que vous reprochaient les autorités congolaises ?

Fadel Barro : Ils ne nous ont jamais notifié les charges qui pesaient à notre encontre. Au moment où Lambert Mende, le ministre de la Communication, déclarait aux médias que nous étions des "terroristes" et que nous complotions contre la RDC, nous étions auditionnés par des agents de l’Agence nationale de renseignement (ANR). Je leur ai demandé ce qu’il nous reprochait, ils m’ont répondu : "rien, on ne vous reproche absolument rien". Le discours était donc très différent à l’extérieur et à l’intérieur. C’est seulement à notre sortie qu’on a appris, à travers les médias, qu’on nous accusait d’être de dangereux jihadistes venus déstabiliser le Congo, alors que nous étions juste venus échanger avec la jeunesse congolaise sur les manières de promouvoir la citoyenneté.

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Comment avez-vous été traité durant votre arrestation à Kinshasa ?

L’arrestation en tant que telle était un peu musclée. Mais quand nous sommes arrivés dans le locaux de l’ANR, ils nous ont traité avec respect. Les conditions de détention étaient plus ou moins correctes même si nous étions, les trois Sénégalais, regroupés dans une même petite cellule.

Êtes-vous toujours en contact avec vos camarades congolais ?

Nous n’avons aucune information sur ceux qui sont encore détenus. Nos contacts nous disent que cinq membres de Filimbi sont toujours détenus, mais nous attendons leur libération pour en avoir le cœur net. Même leurs avocats n’ont pas accès à eux. Personne, au moment où je vous parle, ne sait exactement où ils sont emprisonnés. Nous ne savons pas s’ils sont toujours à l’ANR ou s’ils ont été transférés dans une autre prison. Nous continuons toutefois d’échanger avec le reste du groupe, qui est plus ou moins libre, car ils font très attention à ne pas être trop visibles.

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Les militants de Filimbi qui ont été libérés vivent donc toujours cachés ?

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Oui, mais nous sommes en contact avec eux. Nous travaillons ensemble pour perpétuer Filimbi, qui est un mouvement citoyen en faveur de la paix et de la non-violence. Dans ce pays, les jeunes ont trop souvent parlé avec des kalachnikov. Eux ont dit qu’ils allaient s’exprimer avec des sifflets. Ils veulent juste une meilleure citoyenneté. Leurs seul discours est de dire que la jeunesse congolaise a suffisamment versé de sang pour obtenir la démocratie. Maintenant il faut donner un coup de Filimbi pour qu’on n’utilise plus les armes. Il faut que ce mouvement citoyen non-violent continue au Congo.

Quelles actions allez-vous mener pour réclamer la libération de ceux qui sont toujours détenus ?

Nous avons fait une réunion avec Amnesty international. Nous voulons unir nos forces et regrouper toutes les organisations qui militent pour la démocratie et la liberté d’expression. Nous allons organiser une conférence de presse à Dakar la semaine prochaine et sommes en contact avec nos amis de la sous-région, notamment du Balai citoyen [Burkina Faso, NDLR], pour qu’il y ait des évènements parallèles dans les autres pays. Nous sommes aussi très actifs sur les réseaux sociaux. Enfin, nous tenons directement responsables le ministre de la Justice, Mwamba, et le président Kabila pour tout ce qui arrivera à ces jeunes. Nous donnerons une suite judiciaire si jamais ils sont maltraités ou si leur arrive quoi que ce soit.

Nous ne nous déplaçons que lorsqu’on nous invite, et nous ne cherchons pas à provoquer ou à déstabiliser.

Filimbi peut-il prendre l’ampleur prise par Y’en a marre au Sénégal ?

Mais Filimbi a déjà pris de l’ampleur ! Le premier coup de Filimbi a fait le tour du monde, grâce aux autorités congolaises qui ont assuré leur communication en arrêtant plusieurs de leurs membres. Même si certains sont détenus ou persécutés, toute la jeunesse congolaise va se faire entendre et va continuer à se mobiliser. Ils pourront peut être ralentir l’avancée de Filimbi, mais ils ne pourront pas l’arrêter.

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Des représentants de Y’en a marre vont-ils se rendre dans d’autres pays du continent dans les semaines à venir ?

Pour l’instant, je ne préfère pas communiquer là-dessus. Certains nous présente comme des gens qui viennent déstabiliser les pays. C’est faux. Nous ne nous rendons pas dans ces pays comme des évangélistes venus apporter la bonne nouvelle. Nous ne nous déplaçons que lorsqu’on nous invite, et nous nous sommes toujours assurés que les manifestations auxquelles nous participions soient conformes aux lois. Nous ne cherchons pas à provoquer ou à déstabiliser.

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