Quand un hebdomadaire marocain compare François Hollande à Hitler

François Hollande grimé en Adolf Hitler à la une d’un hebdomadaire marocain paru jeudi. Un photomontage qui tombe sous le coup de la loi et qui pourrait, s’il ne faisait pas l’objet de poursuites judiciaires, envenimer les relations déjà très tendues entre la France et le Maroc.

Abderrahim Ariri, directeur de la publication de « Al Watan Al Ane ». © DR/Facebook

Abderrahim Ariri, directeur de la publication de « Al Watan Al Ane ». © DR/Facebook

ProfilAuteur_EdmondDalmeida

Publié le 30 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour à 12h08.

L’image apparaît en une de l’édition du 29 janvier de l’hebdomadaire marocain Al Watan Al Ane. François Hollande grimé en Adolf Hitler, vêtu d’une tenue nazie avec une croix gammée en brassard (voir ici). Le titre annonce la couleur : "Les Français vont-ils faire renaître les camps de concentration d’Hitler pour exterminer les musulmans ?"

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Il s’agit, selon Abderrahim Ariri, directeur de la publication du journal, de tirer "une sonnette d’alarme pour la classe politique" française. Selon lui, les autorités françaises banalisent les actes islamophobes et n’assurent pas la sécurité des citoyens musulmans en France, dit-il en faisant référence référence aux nombreux actes antimusulmans recensés un peu partout dans l’Hexagone après les tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher.

"François Hollande s’est comporté en opportuniste"

"Nous avons reçu de nombreux appels de nos amis musulmans de France se plaignant d’un parti pris contre eux de la part de François Hollande, explique Abderrahim Ariri à Jeune Afrique. Ils disent que ce dernier a profité du massacre de Charlie Hebdo pour se refaire une virginité politique sur leur dos. En somme, François Hollande s’est comporté en opportuniste et non en homme d’État sage et juste envers cette grande communauté musulmane qui fait partie de la société française mais dont les membres se sentent comme des citoyens de seconde zone. Son comportement rappelle le climat de haine envers les juifs qui a régné en Allemagne sous Hitler. D’où le choix de ma couverture. Mon objectif est d’attirer l’attention sur cette grave dérive française qui risque de reproduire l’histoire nazie et ses douloureux souvenirs."

De fait, les attentats des 7, 8 et 9 janvier à Paris sont comparés dans l’article à l’assassinat d’un responsable nazi par un juif en Allemagne qui avait entraîné la fameuse Nuit de cristal du 9 au 10 novembre 1938, où près d’une centaine de juifs avaient été assassinés et 35 000 autres déportés, préfigurant le génocide qui allait suivre.

Contexte de tensions diplomatiques entre le Maroc et la France

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Cette polémique intervient à une période délicate des relations diplomatiques entre les deux pays. Les attaques contre la France se multiplient dans la presse marocaine.Quand on lui fait remarquer cette étrange coincidence, Ariri répond simplement : "J’ai toujours été contre la politique hautaine de la France envers le Maroc. De la même manière, je reproche à nos élites marocaines leur aliénation française. Nous n’avons pas besoin d’un tuteur. "

Je ne vois pas pourquoi, au nom de la liberté d’expression, on accepte des caricatures offensant le prophète Mahomet et on refuse l’offense à un chef d’État, dit Ariri.

Al Watan Al Ane, qui tire à 16 000 exemplaires, n’est pas un média d’État et ne porte donc pas la parole officielle du gouvernement marocain. Quels ont été les réactions de ses lecteurs à la couverture ? "Je peux vous dire, à travers les échos que nous avons reçus, que 80% d’entre eux étaient d’accord et nous ont dit que notre position reflète parfaitement leur point de vue", enchaîne Ariri.

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L’article 52 du Code de la presse au Maroc puni toutefois "l’offense commise publiquement envers la personne des chefs d’État et leur dignité, les chefs de gouvernement, les ministres des Affaires étrangères des pays étrangers d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 10 000 à 100 000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement". "La vie d’un journaliste est faite de dangers, réplique Ariri. Je suis prêt à assumer cette responsabilité. Je ne vois pas pourquoi, au nom de la liberté d’expression, on accepte des caricatures offensant le prophète Mahomet et on refuse l’offense à un chef d’État, qui est un être humain comme moi. Chacun à sa perception de la sacralité. Pour moi et pour les musulmans, c’est le Prophète qui est sacré".

Paris n’a pour l’heure pas réagi à la publication mais observe certainement avec attention la suite qui sera donnée à cette affaire par les autorités judiciaires du royaume chérifien.

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