ONU – Hiroute Guebre Sellassie : « Boko Haram nous concerne tous »

Pour Hiroute Guebre Sellassie, l’envoyée spéciale de Ban Ki-moon au Sahel, Boko Haram n’est pas que le problème du Nigeria et la communauté internationale doit se mobiliser avant qu’il ne soit trop tard pour les pays de la sous-région.

L’Éthiopienne Hiroute Guebre Sellassie, à Paris, le 23 juillet 2014. © Vincent Fournier/JA

L’Éthiopienne Hiroute Guebre Sellassie, à Paris, le 23 juillet 2014. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 27 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Le groupe Boko Haram, principal sujet du sommet des chefs d’État de l’UA (les 30-31 janvier à Addis Abeba), menace-t-il la stabilité de tout le Sahel ?

Hiroute Guebre Sellassie : Il est évident que le problème n’est pas confiné au Nigeria. Une déstabilisation de toute la sous-région est en cours et les pays où ces islamistes sévissent ne sont pas les seuls concernés. On a recensé à ce jour près de 300 000 réfugiés dans les pays limitrophes du Nigeria et cela fait peser sur eux une véritable menace : personne n’a intérêt à ce que des milliers de personnes désœuvrées s’entassent dans des camps et servent de vivier à Boko Haram. D’autant que l’on sait qu’il y a déjà eu des recrutements. N’Djamena et Niamey sont conscients du danger et ont pris des mesures pour lutter contre la secte ; c’est ce que j’appellerais un acte de légitime défense. Mais il est impératif que la communauté internationale prenne, dans son ensemble, conscience de ce qui est en train de se jouer dans la région.

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Ne craignez-vous pas que se développe dans la région, entre les islamistes armés du Nigeria et ceux qui opèrent plus au Nord, au Mali notamment, un véritable arc jihadiste ?

Il y a déjà des connexions, ce n’est pas nouveau. Avant le début de l’opération française Serval dans le nord du Mali, on avait eu la preuve que des Nigérians s’entraînaient dans des camps jihadistes dans la région de Gao. Ces contacts ont perduré, parfois sous une forme différente. Tout cela n’est pas forcément bien organisé, mais un arc jihadiste est en train de se constituer entre le Nigeria et le Sahel et il faut absolument empêcher que ces maillons épars ne se rejoignent pour former une chaîne. Après, il sera trop tard. Pour les pays concernés, le défi sécuritaire est évident. Au point que certains consacrent l’essentiel de leur budget à ces questions et négligent les projets de développement. J’insiste sur le fait que cela est dangereux et alimente par endroits un mécontentement social qui pourrait lui aussi être un facteur de déstabilisation.

Les pourparlers de paix intermaliens qui se déroulent à Alger sont bloqués. Un nouveau round de négociations devait reprendre en janvier mais cela n’a pas été le cas. N’est-on pas dans l’impasse ?

Nous sommes inquiets pour le nord du Mali, parce que la situation sécuritaire s’est dégradée et que les Casques bleus sont devenus une cible.

C’est difficile et il est certain que tout cela prend du temps. Nous sommes inquiets pour le nord du Mali, parce que la situation sécuritaire s’est dégradée et que les Casques bleus sont devenus une cible.

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Pour la première fois, le 20 janvier, la Minusma a utilisé la force pour stopper une offensive de la Coordination des mouvements de l’Azawad à Tabankort, entre Gao et Kidal. Était-elle dans son rôle ?

À partir du moment où elle est déployée sous le chapitre VII de la charte des Nations unies, elle a le droit de recourir à la force létale dans des conditions particulières, qui était réunies ce jour-là. Je considère pour ma part qu’elle a agi en état de légitime défense.

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Autre foyer de tension dans la région : le chaos qui règne dans le sud libyen. Êtes-vous de ceux qui, comme le Niger, pensent qu’une nouvelle intervention militaire serait nécessaire ?

La position des Nations unies sur ce sujet est très claire : il faut une solution politique. Nous sommes convaincus que le recours à la force ne résoudra rien. Nous comprenons, bien sûr, l’inquiétude des pays de la sous-région, qui sont aux premières loges. Mais la seule chose qu’il faille encourager, c’est le dialogue. Il faut poursuivre les efforts menés à Genève, c’est la seule solution.

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Propos recueillis à Addis-Abeba par Anne Kappès-Grangé et Benjamin Roger

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