Hervé Ladsous : « En Centrafrique, il faut des autorités nouvelles issues d’élections avant août 2015 »

Présent au forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique (15 et 16 décembre), Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, évoque pour « Jeune Afrique » la situation au Mali, en Centrafrique et en RDC.

Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint aux Opérations de maintien de la paix de l’ONU. © AFP

Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint aux Opérations de maintien de la paix de l’ONU. © AFP

Publié le 19 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : On a beaucoup parlé pendant le Forum de Dakar d’une menace transfrontalière et d’une réponse qui lui soit adaptée. Peut-on imaginer un jour une opération de maintien de la paix qui ne soit pas strictement nationale ?

Hervé Ladsous : On le fait déjà un peu avec ce que l’on appelle les arrangements de coopération intermission. Avant Ebola, entre le Liberia et la Côte d’Ivoire, on transférait des unités, des hélicoptères, en fonction des besoins sur le terrain. On a également fait ça au Soudan du Sud quand il a fallu monter en puissance il y a un an. Mais une opération qui serait d’emblée plurinationale est plus compliquée à monter. Le problème est de définir le périmètre, de trouver des États hôtes qui acceptent cette mobilité et des contributeurs.

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Les premiers éléments du M23 rapatriés de l’Ouganda sont arrivés à la base de Kamina, au Katanga. Pourquoi ces opérations sont-elles si compliquées à mettre en place ?

Le gouvernement congolais n’a pas voulu donner, pour des raisons qui leur sont propres, une amnistie globale. On peut le comprendre. Mais qui dit traitement individualisé dit longueur de traitement. Du coup, les ex-rebelles son dans les camps depuis un an et commencent à s’inquiéter pour leur avenir. Cela n’excuse rien, mais c’est une réalité.

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Dans le même temps, la Monusco mène, conjointement avec l’armée congolaise, une opération contre les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF)

Les ADF sont un énorme souci. Nous, et d’abord l’armée congolaise, avons eu de réels succès contre eux durant la première partie de l’année. Ils ont été considérablement affaiblis, mais ont, du coup, changé de stratégie et se sont mis à commettre en petits groupes des exactions terribles. Il y a eu plusieurs fois des dizaines de cas de civils égorgés pendant la nuit. L’armée congolaise est extrêmement mobilisée, la Monusco, notamment la brigade d’intervention, est en train de se renforcer dans la région de Beni : nous envoyons un deuxième bataillon, j’ai demandé à ce que les drones de surveillance y soient basés pour mieux surveiller la région. C’est une traque très difficile.

Au Mali, on ne fera pas l’économie d’avancées significatives sur le plan politique.

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Au Mali, on observe une baisse des attaques contre les Casques bleus de la Minusma. Comment l’expliquez-vous ?

La période septembre-octobre a été très dure, très couteuse en vie humaine. C’est vrai qu’il y a aujourd’hui moins d’attaques durables. Est-ce lié à des changements de postures, d’abord des forces onusiennes mais aussi d’un engagement encore plus marqué des Français de Barkhane ? Ou est-ce l’effet des négociations d’Alger ? Leur reprise est cruciale. Car on ne fera pas l’économie d’avancées significatives sur le plan politique.

Vous tenez le même discours que Le Drian qui appelle à la signature d’un accord en janvier ?

C’est aussi le discours du Conseil de sécurité. Il faut une sortie politique. C’est à partir de là que l’on pourra faire un travail conjoint pour lutter contre les jihadistes et les autres.

La présence française dans le nord du Mali est indispensable ?

Elle est nécessaire. C’est une approche régionale. Pour nous, une coordination très étroite avec Barkhane sur le théâtre malien est cruciale. La Minusma n’est pas une opération anti-terroriste, qui est le mandat donné par le Conseil de sécurité à Serval et maintenant à Barkhane.

En RCA, la force Sangaris va passer de 2 000 à 1 500 hommes. Craignez-vous le retrait progressif de l’armée française ?

Non. Tout ça s’opère de manière concertée. Les Européens ont décidé de prolonger Eufor-Car jusqu’au 15 mars. Cela coïncidera à peu près au moment où l’on approchera quasiment du déploiement intégral du contingent militaire de la Minusca. Pour le gros des troupes, la "génération de forces" est bouclée. Il nous manque encore une unité d’hélicoptère de combat.

En Centrafrique, il faut qu’avant le mois d’août, des autorités nouvelles issues des élections puissent se mettre en place et faire toutes les réformes nécessaires au pays.

L’ONU a également pour mandat d’accompagner les autorités dans l’organisation des élections…

Nous avons pris note positivement de la réunion du groupe de contact, le 11 novembre, qui a confirmé que tout le monde était d’accord pour tenir le forum de Bangui en janvier. Il est impératif qu’il se tienne à la date prévue, avant le sommet de l’Union africaine. On pourra ainsi discuter à Addis Abeba du soutien qu’il faudra apporter à tel ou tel aspect du processus.

L’objectif est de mettre un terme à la transition. N’oublions pas le sens des mots. Une transition est par définition transitoire. Il faut qu’avant le mois d’août, des autorités nouvelles issues des élections puissent se mettre en place et faire toutes les réformes nécessaires au pays.

Cela fait maintenant un an que les combats ont repris au Soudan du Sud. Comment y mettre fin ?

Je suis consterné par la situation sur place. Il y a des affrontements autour des gisements de pétrole, au nord du pays, les accords signés n’ont jamais été suivis de fait, les négociations politiques patinent. En attendant, les civils en font les frais. Il y a près de 2 millions de sud-soudanais déplacés ou réfugiés, près de 5 millions seront bientôt menacés de crise alimentaire grave. Il faut que les dirigeants sud-soudanais se mobilisent pour mettre un terme aux souffrances des populations.

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Propos recueillis par Rémi Carayol et Vincent Duhem

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