Burkina : quand Zida et Kafando font le ménage dans les écuries de Compaoré

Depuis leur arrivée aux affaires, les autorités de la transition burkinabè, guidées par le Premier ministre, Isaac Zida, et le président, Michel Kafando, mènent progressivement une opération de « nettoyage » des soutiens et des symboles de l’ancien régime de Blaise Compaoré.

Yacouba Isaac Zida (g) et Michel Kafando (d), le 21 novembre 2014 à Ouagadougou. © AFP

Yacouba Isaac Zida (g) et Michel Kafando (d), le 21 novembre 2014 à Ouagadougou. © AFP

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Publié le 18 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

 

La "mise en sécurité" d’Assimi Kouanda et d’Adama Zongo

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Adama Zongo, leader de la Fedap-BC (g), et Assimi Kouanda, patron du CDP (d). © Montage Jeune Afrique/DR

Le 4 novembre, cinq jours après la démission de Blaise Compaoré et la prise du pouvoir par l’armée, Assimi Kouanda et Adama Zongo sont interpellés par des militaires. Selon les nouveaux dirigeants du pays, le secrétaire exécutif national du Congrès pour la démocratie et pour le progrès (CDP, le parti présidentiel) et le leader de la Fédération associative pour la paix avec Blaise Compaoré (Fedap-BC), une association de soutien à l’ancien chef de l’État, ont été arrêtés et "placés en sécurité" pour les protéger de menaces physiques à leur encontre. Quelques jours plus tôt, le patron du CDP avait en effet attisé les tensions en appelant ses partisans à se défendre en cas d’attaques de leurs adversaires.

Assimi Kouanda et Adama Zongo, considérés par de nombreux Burkinabè comme des supporters zélés de l’ex-président, ont été internés plus d’un mois au camp de gendarmerie Paspanga, dans le centre de Ouagadougou. Ils ont finalement été relâchés le 11 décembre.

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La dissolution des conseils municipaux et régionaux

 

Le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, le 19 novembre 2014 à Ouagadougou. © AFP

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Le 18 novembre, le lieutenant-colonel Zida, qui s’est autoproclamé chef de l’État, signe un décret annonçant la dissolution des conseils municipaux et régionaux et leur remplacement par des "délégations spéciales".

Ces structures locales étaient en majorité acquises au CDP et au camp Compaoré. En s’y attaquant, Zida et les militaires s’en prennent donc à un rouage local essentiel de l’ancien régime. À leurs yeux, le changement de pouvoir est effectif à Ouagadougou mais doit désormais l’être dans tous les villages du Burkina.

Le limogeage de patrons de sociétés publiques

Le logo de la Sonabel. © DR

Le 17 novembre, quelques heures après l’annonce de la désignation de Michel Kafando au poste de président de la transition, le lieutenant-colonel Zida limoge par décret Jean-Christophe Ilboudo, le directeur général de la Société nationale burkinabè d’électricité (Sonabel, publique). Proche de François Compaoré, le frère cadet de l’ex-président, il était aussi secrétaire permanent des "Engagements nationaux", un vaste programme politique mené par l’ancien pouvoir dont les financements proviennent du gouvernement et de Taïwan.

Autre grand patron d’une entreprise publique limogé : Boukary Jean-Baptiste de la Salle Béréhoundougou, directeur général de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (Sonabhy). Lui aussi était un proche de François Compaoré. Il avait été nommé le 2 juillet à la tête de la Sonabhy, en même temps qu’Ilboudo à la Sonabel.

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Gilbert Diendéré mis sur la touche

Gilbert Diendéré, ex-chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré. © AFP

Gilbert Diendéré a longtemps été suspecté de tirer les ficelles en coulisses après la chute de son "boss", Blaise Compaoré, dont il était le bras droit et le chef d’état-major particulier depuis trente ans. Patron du régiment de sécurité présidentielle et supérieur hiérarchique du lieutenant-colonel Zida, il n’a pas quitté Ouagadougou et est même apparu dans plusieurs cérémonies officielles, entretenant les spéculations à son sujet.

Le 27 novembre, le président Michel Kafando, officiellement investi une semaine plus tôt, met fin aux fonctions de "chef d’état-major particulier de la présidence" de Gilbert Diendéré. Le bras droit de Blaise est – du moins en apparence – mis sur la touche.

La "nationalisation" de la Socogib d’Alizéta Ouédraogo

Alizéta Ouédraogo, le 19 novembre 2014 à Paris. © Vincent Fournier pour Jeune Afrique

Le Premier ministre Yacouba Isaac Zida choisit la date symbolique du 13 décembre, jour-anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, pour annoncer la "nationalisation" de la Société de construction et de gestion immobilière du Burkina (Socogib). Dans les années 1990, cette ancienne propriété de l’État avait été cédée dans des conditions obscures à Alizéta Ouédraogo, belle-mère de François Compaoré et présidente de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina. Considérée comme un symbole vivant du népotisme de l’ancien régime, la "belle-mère nationale" est aujourd’hui réfugiée à Paris.

Plutôt qu’une nationalisation, processus financier qui nécessite du temps, il s’agit en réalité d’une reprise en main de la Socogib par les autorités de transition. Lors de son discours, Zida a ainsi déclaré qu’un nouveau directeur général allait prochainement être nommé à la tête de la société par le ministre de l’Habitat.

La suspension du CDP, de l’ADF-RDA, et de la Fedap-BC

Des militants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le 6 juillet 2013 à Ouagadougou. © AFP

Le 15 décembre, les autorités de transition frappent un grand coup contre les partisans de Blaise Compaoré. Par un communiqué officiel, le ministère de l’Administration territoriale annonce la suspension du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), de la Fédération associative pour la paix avec Blaise Compaoré (Fedap-BC) et de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), troisième force politique du pays qui s’était rangée derrière le projet de modification constitutionnelle de l’ex-président.

Justifiée par un "regain d’activisme politique" pouvant provoquer un "trouble à l’ordre publique", cette décision a provoqué l’indignation des cadres et sympathisants des formations suspendues. Elle a aussi surpris une partie de leurs adversaires et anciens opposants, certains estimant qu’une telle suspension posait les partisans de "Blaise" en victimes et ne favorisait pas la réconciliation nationale.

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Benjamin Roger

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