La Côte d’Ivoire refuse toujours de livrer Simone Gbagbo à la CPI

LA CPI a sommé jeudi la Côte d’Ivoire de lui livrer Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président. Elle a aussi confirmé quatre charges de crimes contre l’humanité contre Charles Blé Goudé, qui a du même coup été renvoyé en procès.

Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, à Abidjan le 27 mars 2011. © AFP

Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, à Abidjan le 27 mars 2011. © AFP

Publié le 12 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Une semaine après l’abandon des poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, les proches de l’ancien chef d’État ivoirien Laurent Gbagbo restent eux dans le viseur de la Cour pénale internationale (CPI). Au risque de se voir encore taxée de pratiquer une "justice des vainqueurs", la juridiction internationale a demandé jeudi 11 décembre à la Côte d’Ivoire de lui livrer Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président, et a confirmé quatre charges de crimes contre l’humanité contre Charles Blé Goudé, qui serait donc renvoyé en procès sauf s’il faisait appel dans les cinq jours de cette décision.

Tous deux sont poursuivis pour leur rôle présumé dans les violences ayant suivi la présidentielle de 2010 qui a opposé Laurent Gbagbo au président actuel Alassane Ouattara. La crise s’était achevée par deux semaines de guerre et avait fait quelque 3 000 morts.

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Abidjan "se donne du temps"

Simone Gbagbo est détenue à Abidjan. En plus d’être poursuivie par la CPI, l’ancienne "dame de fer" est en effet inculpée par la justice ivoirienne d’"atteinte à la sûreté de l’État" en lien avec la crise postélectorale. Par peur de troubles politiques, Abidjan refuse de livrer Mme Gbagbo à la Cour pour la juger en Côte d’Ivoire, et avait soulevé une "exception d’irrecevabilité" contestant la compétence de la CPI, qui ne peut poursuivre un suspect que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas le faire. Or, la CPI a réaffirmé jeudi qu’elle estimait que les poursuites engagées en Côte d’Ivoire ne portent pas sur les mêmes accusations, rejetant dès lors l’"exception d’irrecevabilité".

Le gouvernement ivoirien "va se donner le temps de (l’) analyse et revenir avec une position claire", a promis Bruno Koné, porte-parole du gouvernement ivoirien. Selon ce ministre, la Côte d’Ivoire, "respectueuse des engagements qu’elle prend", a aussi "des principes qu’elle souhaite voir respectés".

Charles Blé Goudé, ex-chef des "Jeunes patriotes", mouvement pro-Gbagbo extrêmement virulent, est quant à lui écroué à La Haye depuis mars 2014. Surnommé le "général de la rue" pour sa capacité à mobiliser les foules, il était l’un des hommes forts de l’ancien régime. Selon le bureau du procureur de la CPI, des miliciens sous les ordres de Blé Goudé avaient tué, violé, brûlé vives et persécuté des centaines de personnes. "Personne n’est surpris de cette confirmation des charges", a réagi Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement ivoirien, lors d’une conférence de presse. La date du procès de Charles Blé Goudé n’est pas encore déterminée, et la défense peut encore interjeter appel.

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Laurent Gbagbo aussi poursuivi par la CPI

Charles Blé Goudé doit répondre de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtre, viol, actes inhumains et persécution. Il est accusé d’avoir participé à un plan commun fomenté par Laurent Gbagbo et son entourage pour conserver le pouvoir "à tout prix". Son avocat, Nick Kaufman, a déclaré que son client "est surpris de la décision de la Cour, qui néglige en grande partie les preuves de la défense et confirme une enquête sélective et politiquement motivée".

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>> Lire aussi : Les faits que la procureure de la CPI reproche à Charles Blé Goudé

Laurent Gbagbo est lui aussi poursuivi par la CPI. Écroué à La Haye, il est dans l’attente d’un procès qui doit s’ouvrir en juillet 2015. Alors que les deux camps rivaux ont été accusés de graves crimes dans de multiples rapports, aucun partisan du président Ouattara n’a encore été inquiété par la CPI, ce qui lui vaut d’être accusée de pratiquer une "justice des vainqueurs".

Le 5 décembre, le procureur de la CPI avait décidé d’abandonner les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, faute de preuves. Cette décision avait été perçue comme un véritable camouflet pour la Cour. Elle illustre aussi une de ses plus grandes difficultés : poursuivre de hauts responsables qui sont toujours au pouvoir. Dans le cas d’Uhuru Kenyatta, la CPI demandait au Kenya de lui fournir des documents qui auraient pu compromettre son propre chef de l’État… Reste que le dossier kényan n’est pas tout à fait enterré : le vice-président en exercice, William Ruto, est actuellement jugé à La Haye.

(Avec AFP)

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