Ebola : des artistes français s’emparent du misérabiliste « Do they know it’s Christmas ? »

Après le désastreux « Do they know it’s Christmas ? » du collectif Band Aid (Bob Geldof, Bono), Carla Bruni, Joey Starr et d’autres artistes français s’apprêtent à leur emboîter le pas en reprenant, en français, cette chanson destinée à récolter des fonds pour aider les victimes africaines du virus Ebola.

Carla Bruni-Sarkozy participe à la version française de « Do they know it’s Christmas ? » © AFP

Carla Bruni-Sarkozy participe à la version française de « Do they know it’s Christmas ? » © AFP

Publié le 21 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Quand il s’agit de récolter des fonds pour l’Afrique, les artistes occidentaux aiment chanter des chansons. Sympathique certes, mais le problème c’est qu’elles sont, la plupart du temps, misérabilistes et insupportables. Dernier avatar en date, la chanson de Bob Geldof, "Do they know it’s Christmas ?" (Savent-ils que c’est Noël ?")" pour venir en aide aux victimes d’Ebola en Afrique. Cette chanson, qui est une reprise d’un titre écrit en 1984 pour lutter contre la famine en Éthiopie, a été enregistrée par Band Aid ("pansement"), collectif qui réunit pour l’occasion, entre autres, Bono, Chris Martin, Robert Plant, One Direction et Sam Smith. Dès sa sortie, le titre a littéralement cartonné et aurait permis de récolter quelque 1,3 million d’euros en cinq minutes.

>> Voir notre infographie : Lutte conte Ebola, qui donne, combien et à qui ?

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Band aid, "Do They Know It’s Christmas ?"

Une intention louable, certes, mais totalement anéantie par l’image méprisante du continent africain qu’elle véhicule. Comme le soulignent nos confrères de Slate, cette chanson donnait déjà en 1984 dans la métaphore douteuse en évoquant l’Afrique comme une région du globe où "la seule eau qui coule est la piqûre amère des larmes", comme un espace "où rien ne grandit, pas de pluie ou de rivière qui coule". Trente ans après, les paroles ont été adaptées à la situation, mais ne sont guère plus convaincantes : "Un baiser d’amour peut vous tuer, et la mort est dans chaque larme", "Ni paix, ni joie pour ce Noël en Afrique de l’Ouest. Leur seul espoir est de rester en vie. Quand être réconforté signifie avoir peur. Quand être touché signifie être effrayé. Comment peuvent-ils seulement savoir que c’est Noël."

De son côté, l’auditeur incrédule se demande si ces artistes savent qu’une grande partie des populations concernées sont de confession musulmane. Peut-être faudrait-il écrire une chanson pour le leur rappeler. Quant au refrain original, "Feed the world" ("Nourrissons le monde"), il n’a été changé que partiellement : "Nourrissons le monde. Faisons leur savoir que c’est à nouveau Noël. Ressentons le monde. Faisons leur savoir que c’est à nouveau Noël. Guérissons le monde. Faisons leur savoir que c’est à nouveau Noël."

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Le clip qui accompagne le titre (voir ci-dessus), est à la hauteur du texte, passant sans transition d’une scène montrant le transport d’une jeune femme malade agonisante (décharnée et vivant dans un taudis bien évidemment) à une autre dans laquelle nos amis les stars se pressent de traverser un tapis rouge, sous les flashs des photographes, pour aller commettre leur attentat musical. 

Reprise française

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Malgré la polémique suscitée par Band Aid (le rappeur anglais d’origine ghanéenne Fuse ODG a refusé de participer à l’enregistrement), les stars françaises de la chanson, prolixes elles aussi dans le commerce des bons sentiments, s’apprêtent quand même à reprendre le titre, qui s’intitulera "Noël est là". Au casting de ce grand malaise musical programmé, Mercury Music Group a annoncé, vendredi, les participations de Carla Bruni, Louis Bertignac, Joey Starr, Lou Doillon, Jean-Louis Aubert, Zaz, Shakaponk, Izia Higelin, Vanessa Paradis, Thomas Dutronc, BB Brunes, Soprano, Maitre Gims, Christophe Willem, Jacques Higelin et Tété. Le tout devrait être présenté sur le plateau de l’émission du Grand journal (Canal +) du vendredi 21 novembre.

En attendant, on ne peut que se désoler du fait que ces artistes n’aient pas mis leur notoriété au service de leurs homologues africains d’"Africa Stop Ebola" (Tiken Jah Fakoly, Amadou et Mariam, Salif Keïta, Mory Kanté ou encore Dider Awadi…), qui n’ont pas attendu Bono et consorts pour se mobiliser et surtout composer une chanson positive et très pragmatique (voir le clip ci-dessous). Ici la vocation du titre est de sensibiliser les populations ouest-africaines aux bonnes pratiques à adopter face à l’épidémie d’Ebola qui sévit, point. "Je fais confiance aux médecins", "Lavez-vous régulièrement les mains", "évitez de serrer la main d’autrui", "Ne touchons pas nos malades, ne touchons pas nos mourants" sont autant de messages déclinés en plusieurs langues qui peuvent en effet avoir un impact direct. Et, en sus, le morceau est plutôt bon.

Africa Stop Ebola.

Dans un article du Guardian paru le 15 novembre, intitulé "Band Aid doit-il être ressuscité ?"’, le journaliste Ian Birrell répondait par la négative en soulignant très justement que "l’imagerie négative (du continent africain, NDLR) incessante (…) est le véritable héritage de Band Aid."

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Par Jean-Sébastien Josset 

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