Kenya : les femmes, martyrs ou nudistes ?

Les droits des femmes régressent-ils au Kenya ? Alors que la justice lutte contre l’excision, des agressions sexistes visent des jeunes filles jugées « trop légèrement vêtues »…

L’oeil de Glez. © Damien Glez

L’oeil de Glez. © Damien Glez

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Publié le 19 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

7 novembre 2014 : une femme est prise à partie par un groupe d’hommes qui jugent sa tenue "indécente" et la déshabillent de force sur la voie publique. La scène se déroule-t-elle dans un Tombouctou mis sous coupe réglée par des jihadistes ? 17 novembre 2014 : des hommes défilent en jupe. La scène se déroule-t-elle dans un Amsterdam égaillé par quelque travesti de la Canal parade pride ? Non, ces scènes se déroulent toutes les deux au Kenya.

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La première a eu pour triste cadre un arrêt de bus de Nairobi. Et c’est parce qu’elle a été filmée par des téléphones mobiles et postée sur Internet qu’elle a provoqué une avalanche de réactions indignées. Rapidement, les réseaux sociaux se sont organisés et le groupe Kilimany Mums a appelé à manifester. Le 17 novembre, donc, des femmes et des hommes solidaires défilaient en robe et en jupe…

Il faut dire que ce sont au total trois kényanes qui ont été dénudées en pleine rue par des passants les jugeant trop légèrement vêtues. Lundi, les 200 femmes qui battaient le pavé revendiquaient le droit de s’habiller comme elles le souhaitaient. Sur Twitter, un hashtags canalise la lutte : #MyDressMyChoice ("Ma robe, mon choix").

C’est l’occasion pour les féministes de dénoncer une société encore patriarcale.

Si la loi définit l’atteinte aux bonnes mœurs et les parties de l’anatomie qu’il est permis de dévoiler sur la voie publique, la notion de "décence" du look vestimentaire est très subjective. Bien au-delà de cette polémique ponctuelle, c’est l’occasion pour les féministes de dénoncer une société encore patriarcale. Au cours de la manifestation, ce sont toutes les violences sexuelles à l’encontre des femmes qui ont été pointées du doigt.

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Sur la question précise de l’excision, la gent féminine peut compter sur des supports de poids. Via sa section des cas de mutilations génitales, le bureau du procureur du Kenya vient d’adresser une lettre à tous les parents d’élèves. Le courrier met ceux-ci en garde, rappelant le caractère illégal de l’ablation du clitoris et la lourdeur des sanctions encourues. Les parents qui permettent que leur fille soit excisée peuvent écoper d’une peine pouvant atteindre trois ans d’emprisonnement.

Il ne faudrait pas croire pour autant que les femmes kényanes sont désormais à l’abri des maltraitances. Pendant la manifestation de lundi, des badauds menaçaient encore de déshabiller les militantes et de brûler leurs pancartes. Un comble : des grognons qui dénudent celles qu’ils trouvent pourtant trop découvertes. Or, ces hommes de Cro-Magnon -quoi qu’à l’époque de Cro-Magnon, la nudité faisait moins polémique- se modernisent. À la page Twitter #MyDressMyChoice répond désormais le hashtag #NudityIsNotMyChoice ("La nudité n’est pas pour moi") qui réunit près de 150 000 followers. Les antiféministes dénoncent des tenues "sexy" qui friseraient le "nudisme". Ils envisagent une contre-manifestation.

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Il faut sans doute se réjouir que les positions les plus nauséabondes s’étalent davantage au grand jour que dans l’ombre des ruelles. Et il faut se féliciter que la trace vidéo de l’agression de la gare routière ait suscité le début d’une enquête. En espérant toutefois que ne s’impose pas davantage l’argument selon lequel les femmes agressées sexuellement l’ont bien cherché…

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Par Damien Glez

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