Afrique du Sud : comment l’explosion du Cosatu menace l’ANC

L’union des métallurgistes sud-africains (Numsa) a été exclue samedi de la centrale syndicale Cosatu, alliée historique du Congrès national africain (ANC). Une décision qui ne sera pas sans conséquence pour le parti au pouvoir en Afrique du Sud. Décryptage en trois points.

Manifestation des ouvriers sud-africains à l’appel du Numsa, le 1er juillet 2014 à Johannesbourg. © AFP

Manifestation des ouvriers sud-africains à l’appel du Numsa, le 1er juillet 2014 à Johannesbourg. © AFP

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Publié le 10 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour le 10/11 à 15h35.

La décision est tombée le 8 novembre. L’union des métallurgistes sud-africains (Numsa) ne fait plus partie de la centrale syndicale nationale (Cosatu). Pour Irvin Jim, secrétaire général du Numsa, c’est le résultat d’une « attaque réactionnaire bien coordonnée contre l’organisation des travailleurs, une attaque contre le Cosatu, une attaque contre les pauvres ». Il dénonce un « complot » entre le Congrès national africain (ANC, au pouvoir) et ses alliés communistes.

  • Pourquoi le Cosatu a exclu le Numsa ?
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Depuis fin 2013, le Numsa n’a cessé de prendre ses distances avec l’ANC. Tout est parti en effet du congrès de ce puissant syndicat des métallos – il compte 340 000 adhérents – en décembre. Lors des travaux, une option claire a été levée : ne plus soutenir l’ANC et le parti communiste. Et en mai, lors des élections générales organisées en Afrique du Sud, le Numsa est passé de la parole aux actes, en refusant d’appeler les Sud-Africains à voter pour le parti au pouvoir.

« Le plus grand crime du Numsa a été de plaider démocratiquement, lors de son propre congrès, pour l’indépendance de la fédération [Cosatu], vu la détérioration des conditions de vie de la classe ouvrière provoquée par la politique néolibérale de l’ANC », a confirmé Irvin Jim devant la presse sud-africaine au lendemain de la décision d’exclusion de son syndicat du Cosatu.

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  • Le Cosatu est-elle au bord de l’explosion ?

L’exclusion du Numsa, décidée par 33 membres contre 24 du comité exécutif national du Cosatu, risque d’entraîner une scission au sein de la fédération syndicale sud-africaine. Parce qu’avec cette décision, le Cosatu vient non seulement de se séparer du plus important de ses syndicats (le Numsa est cofondateur du Cosatu), mais surtout elle s’expose aux critiques des autres syndicats membres qui sont proches du Numsa.

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Il n’est donc pas exclu de voir dans les prochains jours, semaines ou mois, au moins huit syndicats encore membres du Cosatu (qui en compte 21) mais qui soutiennent le Numsa, quitter la fédération. Ce qui serait un coup dur pour le Cosatu et pour l’ANC.

Lundi déjà, soit quarante-huit seulement après l’exclusion du Numsa, sept syndicats ont annoncé la suspension de leur participation aux instances dirigeantes du Cosatu. « Avec effet immédiat, nous suspendons notre participation au conseil et à la politique de palais du Cosatu », ont déclaré dans un communiqué commun les syndicats de l’alimentaire (Saccawu et Fawu), de la communication (CWU), des infirmières (Denosa), des joueurs de football (Sapfu) et des fonctionnaires (Sasawu et Pawusa). « Il est clair que le Numsa a été exclu injustement », ont-ils souligné, appelant à la tenue d’un congrès extraordinaire du Cosatu.

  • Que va devenir le Numsa après son exclusion ?
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À peine exclu, le Numsa pense déjà à son avenir. L’idée de se muer en formation politique, le Front uni, fait son chemin. Un parti pour s’opposer à la politique libérale de l’ANC que le Numsa ne cesse de dénoncer depuis quelques mois. À la place, les leaders du Numsa veulent ainsi militer pour la création d’une société socialiste en Afrique du Sud, à l’instar de Julius Malema, un autre ancien de l’ANC, désormais à la tête des Combattants pour la liberté économique (EFF).

D’autres observateurs n’écartent pas non plus l’hypothèse de voir émerger en Afrique du Sud un regroupement syndical alternatif. Une réunion dans ce sens a même eu lieu le 9 novembre entre le Numsa et huit syndicats encore membres du Cosatu mais qui ne partagent plus l’avis de la fédération. Une reconfiguration de la vie syndicale est donc en cours en Afrique du Sud. Une certitude : elle aura un impact certain sur la vie politique sud-africaine, et éventuellement sur l’ANC.

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Par Trésor Kibangula

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