Quand les marchés des capitales africaines partent en fumée

Le marché du Mont-Bouët, à Libreville, a été détruit par les flammes dans la nuit de lundi à mardi. Ces dernières années, des incendies spectaculaires ont ravagé les capitales africaines, mettant en cause la sécurité et l’organisation anarchique de ces rassemblements.

Le marché d’Adawlato décimé par les flammes en janvier 2013. © AFP

Le marché d’Adawlato décimé par les flammes en janvier 2013. © AFP

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Publié le 29 octobre 2014 Lecture : 4 minutes.

Boutiques transformées en cendres, indemnisations qui tardent à être distribuées, incertitudes sur l’origine criminelle des sinistres, les habitants des grandes capitales africaines sont habitués aux incendies qui déciment les marchés et aux doutes qui planent autour de ces évènements tragiques.

  • Le marché du Mont-Bouët à Libreville

À Libreville, les habitants se souviennent forcément d’un incendie qui a ravagé le marché du Mont-Bouët, le plus grand rassemblement commercial de la capitale gabonaise, tant ils sont fréquents. Le sinistre survenu dans la nuit de lundi 27 à mardi 28 octobre n’est pas une exception. Le plus récent accident remonte à 2012 où un tiers du marché avait déjà été décimé.

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Depuis le mois d’octobre 2012, ce haut-lieu du commerce du Gabon est régulièrement en proie aux flammes, causant d’importants dégâts matériels et financiers. "Actes criminels ou simples accidents?", s’interroge le quotidien Gabonéco. "Le mystère demeure d’autant que les conclusions des enquêtes régulièrement ouvertes par les forces de l’ordre n’ont jamais été rendues publiques", peut-on lire dans un article daté du 29 octobre intitulé "Incendies au marché de Mont Bouët : à qui profitent-ils ?"

"N’est-il pas temps qu’une sérieuse sécurité soit assurée au marché de Mont Bouët? Car, malgré la présence au quotidien de gardiens, ces derniers ne comprennent pas pourquoi leurs investissements sont régulièrement détruits par des incendies", conclut-il.

En août 2009, quelque 400 échoppes de commerçants avaient déjà été ravagées par les flammes. Un mois plus tard, au lendemain de la victoire d’Ali Bongo Ondimba à l’élection présidentielle et dans la foulée de violentes manifestations, un nouvel incendie avait éclaté.

  • L’incendie du marché de Kantamanto à Accra

Un incendie de marché a également secoué Accra en mai 2013. Réputé pour la vente de friperies, appelées “Broniwaawu”, le marché de Kantamanto est parti en fumée. Après d’intenses efforts, les pompiers ont réussi à maîtriser le feu mais de nombreux dégâts matériels étaient à déplorer. Peu après l’accident, une délégation gouvernementale s’est rendue sur les lieux pour réconforter les victimes et a promis le soutien des autorités aux marchands ainsi que l’appui de l’organisation nationale de gestion des catastrophes.

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Le maire d’Accra, Dr Alfred Okoe Vanderpuiye, avait toutefois vilipendé l’indiscipline des marchands qui branchent illégalement des fils électriques et augmentent ainsi les risques de déclenchement d’incendies. Il avait ensuite ajouté avoir des soupçons sur un éventuel acte criminel délibéré. Le vice-président ghanéen avait alors demandé au ministre de l’Intérieur de constituer une commission d’enquête afin de trouver les causes du sinistre et au ministre des Finances d’indemniser les victimes. Peu après l’incendie, des heurts ont eu lieu entre policiers et marchands qui soupçonnaient le gouvernement de vouloir s’emparer des lieux pour construire des infrastructures modernes.

  • L’incendie du marché d’Adawlato à Lomé

Les Togolais ont encore en mémoire le mois de janvier 2013. En trois jours, deux incendies spectaculaires ont eu lieu sur le marché de Kara, la deuxième plus grande ville au nord du pays, et à Lomé, ruinant les investissements des commerçants. Deux étages du bâtiment central du grand marché de la capitale ont entièrement brûlés. Difficilement maîtrisable, l’ampleur du feu du marché d’Adawlato a nécessité l’aide de pompiers ghanéens, présents au poste-frontière d’Aflao.

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> > Lire aussi : Togo : incendie des marchés, l’opposition dénonce "une machination politique"

L’incendie a ravagé une grande partie du plus grand marché de la ville, connu pour être le quartier général des "Nana Benz", les célèbres vendeuses togolaises de pagnes. Les flammes ont causé des pertes financières considérables, à hauteur de 6 milliards de FCFA (soit 9 millions d’euros).

Des personnalités proches de l’opposition, notamment du Collectif Sauvons le Togo (CST), dont le chef de file de l’opposition Jean-Pierre Fabre, l’ancien premier ministre Agbéyomé Kodjo, ont été inculpées suite à l’enquête officielle attestant de l’origine criminelle de l’incendie. Le procès ne s’est toujours pas tenu.

Un an après le sinistre, un nouvel incendie s’est déclaré dans un bâtiment annexe à celui réduit en cendres en janvier 2013 mais les pompiers ont réussi à le maîtriser.

  • L’incendie du marché de Bujumbura

En janvier 2013, un incendie dévastateur a ébranlé le poumon économique du Burundi : le marché de Bujumbura. Les allées de secours, encombrées par des stands improvisés, ont mis en difficultés les pompiers, qui ne pouvaient pas circuler dans les allées de secours. Un hélicoptère anti-incendie rwandais a permis de circonscrire l’incendie.

Les quelque 7 000 commerçants, qui travaillaient officiellement dans ce marché, sans compter les travailleurs informels, ont été ruinés par le sinistre. Le ministère des Finances, Désiré Musharitse, a déclaré à la suite de la tragédie qu’une diminution de 20 % des recettes de l’État avait été constatée sur les trois mois qui ont suivi. Un coup énorme porté à une économie en crise.

"Aucun rond n’est encore tombé dans l’escarcelle d’un commerçant. Pas non plus d’indemnisation", a déploré le président du syndicat général des commerçants (SYGECO), un an après le sinistre. 

Une première enquête du Parquet général de la République, en mars 2013, indiquait que l’incendie était d’origine "accidentelle" : les premières conclusions faisaient état d’un court-circuit dans un stand de vente d’objets inflammables. Mais plus d’une année après l’accident, la thèse de l’acte délibéré a été confirmée.

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Emeline Wuilbercq

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