Togo : présidentielle 2015, acte 1

Au Togo, le renouvellement, cette semaine, des membres de la Cour constitutionnelle et de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), marque le prologue d’un processus qui s’annonce compliqué. Éclairage en 5 points sur cette première étape du cheminement vers la présidentielle de l’année prochaine.

Aboudou Assouma, président reconduit de la cour constitutionnelle. © www.courconstitutionnelle.tg

Aboudou Assouma, président reconduit de la cour constitutionnelle. © www.courconstitutionnelle.tg

Publié le 18 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Les neufs juges de l’organe suprême en matière constitutionnelle ont prêté serment vendredi matin devant le chef de l’État. Ce dernier a complété la veille, la liste des six juges élus lundi par l’Assemblée nationale.

Boycottée par les députés de l’opposition, l’élection des magistrats est pourtant une étape clé dans le processus électoral. C’est la Cour constitutionnelle qui proclame les résultats définitifs de toutes les consultations. L’opposition réclame une réforme du statut de l’institution. Ces  changements souhaités ne peuvent intervenir sans le soutien de l’Union pour la République (Unir), parti du Chef de l’État qui dispose de la majorité au Parlement.

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Dodji Apévon, président du Comité d’action pour le renouveau (CAR), parti d’opposition, donne les raisons de ce boycott.  "La majorité aurait pu rechercher un consensus autour de cette élection. Mais vu qu’ils ont les 2/3 à l’Assemblée,  ils font ce qu’ils veulent", argumente-il.  Pour lui, la reconduction de ces juges est un signal fort qui compromet "à l’avance" les résultats de la présidentielle à venir. Car les magistrats élus sont, selon lui, tous à la solde du pouvoir.

En face, on soulève la raison du fait majoritaire. Pour Christophe Tchao, président du groupe parlementaire Unir, "en démocratie, il faut savoir respecter le fait majoritaire. On ne peut pas recourir à chaque instant au consensus, surtout lorsque certains ne veulent pas bouger un peu sur leurs positions".

  • Commission électorale vraiment consensuelle?

Gilbert Bawara a salué mercredi, " l’esprit de consensus" qui a prévalu lors de l’élection des membres de la Céni. Consensus démenti par Me Dodji Apevon, qui dénonce le radicalisme de la majorité sur des points relatifs aux sièges réservés à l’opposition.

La Céni est composée de 17 membres.  5 pour la majorité parlementaire (Unir), 5 pour l’opposition parlementaire, 3 pour l’opposition extra parlementaire (plus de 80 partis politiques), 3 pour la société civile et 1 pour l’administration.
 
L’élection des nouveaux membres de la Céni marque le démarrage des activités préparatoires à l’élection présidentielle. L’opposition parlementaire se divise sur la question des cinq sièges à répartir entre elle. Qui faut-il considérer comme parti d’opposition? Sur quels critères sélectionner les trois représentants de l’opposition extra-parlementaires? La société civile et l’administration ne sont-elles pas des pions à la solde du pouvoir?

  •     Un parti membre de la coalition gouvernementale est-il un parti d’opposition ?
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>> Lire aussi : l’UFC entre au gouvernement

La question paraît absurde. Selon Me Apevon, "partout dans le monde, sauf peut-être au Togo, quand on participe à un gouvernement, on fait membre de la majorité". C’est le siège accordé à l’UFC au titre de l’opposition qui aura le plus divisé  la classe politique.

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André Johnson, porte-parole de l’Union des forces du changement (UFC) et ministre de l’Environnement, estime que le débat ne devrait pas exister. Il affirme que "les personnes qui s’opposent à la présence de l’UFC à la Céni au titre de l’opposition, sont celles qui avaient bénéficié hier de la même mesure".

En 2006, après l’accord politique global qui avait débouché sur la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, des partis de l’opposition, notamment le CAR (parti du Premier ministre de l’époque, Yawovi Agboyibor ) et la Convention démocratique des peuples africains (de Léopold Gnininvi, ministre d’État ), étaient présents à la Céni au titre de l’opposition.

Fausse analyse selon Me Apevon qui souligne qu’ils étaient en présence d’un gouvernement d’union issu d’un accord politique. D’ailleurs souligne-t-il, "ce gouvernement avait pour mission principale d’organiser des élections législatives consensuelles en 2007 ".

  • Comment distribuer trois sièges à plus d’une cinquantaine de partis se réclamant de l’opposition extraparlementaire ?

Pour un pays d’environ 7 millions d’habitants, le Togo dispose de plus de 80 partis politiques. La moitié au moins de cette pléthore se réclame de l’opposition. "On a laissé croire pendant longtemps aux gens que la meilleure manière de gagner sa vie dans ce pays était de créer un parti politique afin de donner l’image d’une pluralité au moment où les véritables opposant boycottaient les élections. S’il faut réaliser un audit de cette liste de partis au vu des critères posés par la loi, il n’en resterait que très peu, une quinzaine tout au plus", a commenté sous anonymat, un professeur de droit à l’Université de Lomé.

Les députés se sont tant bien que mal entendus sur des noms. Des représentants de partis historiques en perte de vitesse ces dernières années dans l’opinion sont maintenus au sein de l’institution. Paradoxalement, de nouvelles formations qui ont récemment fait une entrée remarquable sur la scène politique en sont exclus. C’est le cas du Parti des Togolais de l’homme d’affaires Alberto Olympio, candidat déclaré à la présidentielle de 2015.

  • La société civile et l’administration, béquilles du parti au pouvoir ?

La question de la société civile et de l’administration reste au cœur du problème de la Céni. Certains estiment qu’il est rare d’avoir des représentants suffisamment neutres. Les députés se sont finalement accordés avec beaucoup de mal sur les noms de ses représentants. La majorité a proposé deux noms contre un pour l’opposition. Un compromis qui peut mettre en doute la neutralité des organisations de la société civile.

Le dernier siège réservé à l’administration subi également la même critique. Me Apevon estime d’ailleurs que "la majorité aurait pu soumettre le nom de ce représentant au consensus de l’ensemble des députés. Au final, poursuit-il, on nous a sorti une personne dont nous n’avions jamais entendu parler".

L’élection des membres de la Cour constitutionnelle et de la Céni marque le premier acte d’une élection présidentielle qui devrait se tenir au premier trimestre 2015.
 

 

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