Racisme italien et humour de ses victimes

Quelle est la part d’humour dans le bras de fer entre le Congolais Clément Kikoko Kyenge et le président du Sénat italien Roberto Calderoli ? “Sans rire”, le second accuse le premier de l’avoir envoûté. Entre les deux,  la fille de l’un et victime de l’autre répond par des traits d’esprit.

L’oeil de Glez © Damien Glez

L’oeil de Glez © Damien Glez

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Publié le 1 septembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Le vice-président du Sénat italien, Roberto Calderoli, l’affirme : il a été envoûté par un marabout de la République démocratique du Congo, Clément Kikoko Kyenge. La foi subite en la “magie noire” a de quoi surprendre de la part de cet ancien ministre de Silvio Berlusconi. Membre de la Ligue du Nord, ce politicien se moque habituellement de ce qu’il considère comme de la superstition africaine. Serait-il soudain devenu “crédule” ? Ou continuerait-il dans le registre de la moquerie, avec un second degré destiné à mieux décrédibiliser les croyances du continent noir ?

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C’est bien par l’humour qu’il tenta de justifier ses récentes saillies racistes. Lorsqu’il comparait Cécile Kyenge – précédemment première femme noire ministre d’Italie, aujourd’hui eurodéputée et fille de Clément Kikoko Kyenge – à un “orang-outan”, il se défaussa en offrant un bouquet de fleurs et en affirmant : “C’était une blague”. Hypocrisie, comédie douce-amère ou jeu de dupes ? Quand Calderoli évoque sa quête d’un exorciste et son idée de demander les bénédictions de la plus haute autorité catholique, il pratique manifestement le second degré. En effet, il ajoute que, selon lui, le pape François “est trop occupé à faire entrer des immigrés chez nous.” L’humour grinçant est parfois utilisé à mauvais escient, ici pour nourrir l’idéologie de la Ligue du Nord.

C’est aussi par l’humour que Cécile Kyenge évite de débattre sérieusement des comparaisons simiesques ou de l’envoûtement. Mais elle emploie un registre plus spirituel. Victime de jets de bananes en plein meeting, Kyenge eut la sagesse de répondre au mépris par du mépris, à l’humour scabreux par de l’humour fin. Elle ironisa sur les fruits projetés en disant que c’était un “gaspillage de nourriture”. Dans le même registre, à d’autres jets de bananes, dans les stades – notamment en Italie –, les footballeurs ont répondu récemment par la campagne “nous sommes tous des singes”, les stars du ballon rond se relayant sur le Net avec des photos de festins “bananiers”. Dani Alves était même aller jusqu’à manger, sur le terrain, une banane envoyée lors d’une rencontre entre Villareal et le FC Barcelone. La dégustation de banane était soudain “tendance”.

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Quant au bouquet de fleurs du sénateur italien à l’eurodéputée “de couleur”, plutôt que de lui jeter au visage, Cécile Kyenge l’offrit à la Madone del buon Consiglio. Et même si le paternel est entré dans l’arène médiatique, la fille continue de garder une judicieuse distance. Se moquant indirectement de la subite superstition de son “bourreau”, elle rappelait : “Je ne sais quelle est la religion de Monsieur Calderoli. Pour ma part, je suis catholique, je ne crois pas en toutes ces choses-là.”

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Par Damien Glez

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