Israël : opposé à la guerre, le journaliste de « Haaretz » Gideon Levy est accusé de traîtrise

En Israël, les personnalités anti-guerre comme Gideon Levy, journaliste du quotidien « Haaretz », peinent à mobiliser les foules. Nageant à contre-courant d’une opinion majoritairement favorable à l’opération Bordure protectrice, elles sont souvent agressées et taxées de traîtrise.

Gideon Levy journaliste au Haaretz chez lui à Tel Aviv. © AFP

Gideon Levy journaliste au Haaretz chez lui à Tel Aviv. © AFP

Publié le 18 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Quand la plume du quotidien israélien de gauche Haaretz, Gideon Levy, a accusé dans un texte au vitriol publié mi-juillet les pilotes israéliens de "perpétrer les gestes les plus cruels" dans la bande de Gaza, il ne s’est pas fait que des amis.

Propulsé symbole de l’opposition à l’opération "Bordure protectrice", lancée début juillet dans la bande de Gaza par l’armée israélienne, il est même devenu le "traître" par excellence.

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La réaction a été immédiate : des lecteurs ont annulé leur abonnement au quotidien ; un des ténors de la coalition de droite au pouvoir, Yaris Levin, a menacé de le poursuivre pour "traîtrise" ; des gens l’insultent dans la rue. Par prudence, la rédaction du journal Haaretz lui a attribué des gardes du corps.

Connu pour son attachement à la cause palestinienne, son verbe acéré et son visage carré au teint halé, Gideon Levy avait déjà suscité la polémique lors de l’opération "Plomb durci", fin 2008, début 2009, en signant un texte acerbe sur l’armée israélienne, mais les réactions n’avaient pas été aussi virulentes.

Cela fait sept ans que ce gouvernement israélien d’extrême droite incite au racisme, dit-il.

"Je n’ai jamais fait face à des réactions aussi agressives, jamais", confie-t-il dans son bureau exigu au premier étage de la rédaction du quotidien, à Tel-Aviv, lieu de rencontre discret, privilégié aux cafés où il craint encore de se faire insulter par de simples citoyens ou des soldats.

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Un vaste appui de la société israélienne à la guerre contre Gaza

L’opinion publique israélienne a appuyé en grande majorité la dernière guerre. Un sondage de l’Institut démocratique d’Israël, un centre de recherche indépendant, chiffrait récemment à 95% son soutien chez les Juifs, largement majoritaires au pays.

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"Cela fait sept ans que ce gouvernement israélien d’extrême droite incite au racisme à coup de loi antidémocratique, de déshumanisation des Palestiniens dans les médias. Alors en temps de guerre, cela atteint un pic", commente Gideon Levy.

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D’après lui, "tout le monde se fout éperdument de la souffrance à Gaza. Plus encore, si vous osez exprimer de l’empathie, vous êtes un traître", juge-t-il, amer devant l’attitude des Israéliens. Gideon Levy est toutefois reconnaissant à l’égard de certains lecteurs et la direction de son journal, qui l’a soutenu dans cette épreuve, plutôt que de lui retirer sa chronique. "J’ai eu beaucoup de soutien à l’étranger, en Europe, aux États-Unis, au Pakistan, à travers le monde, mais en Israël moins", dit-il.

Au cours des dernières semaines, des manifestations critiques de l’opération militaire dans la bande de Gaza ont réuni au grand maximum quelques milliers de manifestants en Israël mais ont été émaillées par des affrontements

Samedi dernier, avant la trêve, sur la place Rabin, au cœur de Tel-Aviv, ils étaient environ une centaine à braver l’interdiction de manifester décrétée ce jour-là par les autorités qui craignaient de voir des roquettes du Hamas pleuvoir sur la métropole israélienne.

La vie a repris son cours en Israël

Des défenseurs de l’opération militaire ont invectivé les manifestants, avant de défiler eux-mêmes sur la place Rabin sous la supervision étroite de la police qui a réussi à faire une zone tampon entre les deux groupes aux positions antinomiques.

Pendant les premières semaines des affrontements entre le Hamas palestinien et l’armée israélienne, les sirènes d’alerte retentissaient presque quotidiennement sur Tel-Aviv, située à environ 90 kilomètres de l’enclave palestinienne. Et la mort au combat de 64 soldats israéliens a suscité une vague de solidarité en Israël.

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Mais la vie a depuis repris un cours presque normal. "C’est la guerre", ironise ainsi un serveur dans un bar écrasant dans un verre du citron vert, de la menthe et des glaçons de rhum servis aux oiseaux de nuit.

Durant la journée, sur la plage, jeunes femmes et jeunes hommes bronzés s’observent en coin et se mêlent sous le fracas des vagues contre des rochers. "La vie continue. Personne ne se soucie du prix payé de l’autre côté. Personne ne se soucie de la destruction et des meurtres à Gaza", explique Gideon Levy.

(Avec AFP)
 

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