Racisme : Richard Trinquier, un maire en guerre contre les femmes voilées

Richard Trinquier, élu UMP de l’Essonne, n’aime pas trop les musulmans. Son dernier fait d’armes : l’interdiction d’une base de loisirs à deux femmes voilées, début juillet. Un geste qui devrait lui valoir, mercredi, une plainte au pénal pour discrimination et incitation à la haine raciale.

Richard Trinquier, maire UMP de Wissous. © AFP

Richard Trinquier, maire UMP de Wissous. © AFP

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 30 juillet 2014 Lecture : 4 minutes.

Richard Trinquier prend soin de ses administrés de Wissous. Maire de cette petite ville de l’Essonne, située non loin de l’aéroport d’Orly, l’élu UMP a aménagé pour l’été une base de loisirs, sur un terrain de football. Sable, transats, parasols… "Wissous Plage" n’est pas les Baléares, mais tout de même. Seul problème : l’élu UMP y a imposé un règlement intérieur un peu particulier, qui interdit le port de signes religieux sur le site.

Je suis un précurseur car je combats pour la laïcité, dit Trinquier.

Début juillet, Richard Trinquier, dont le père, colonel, aurait été proche de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), est donc venu en personne faire la police sur les lieux pour en expulser deux femmes voilées, accompagnées de leurs enfants. "Vous n’avez pas lu tous les paragraphes du règlement ?", leur lance le maire. Qui insiste : "Vous ne pouvez pas rentrer avec votre voile islamique". Et malgré les tentatives d’explication et de médiation, les deux femmes ne verront jamais "Wissous Plage".

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Signes religieux et vivre-ensemble

Saisi par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), le tribunal administratif de Versailles a finalement suspendu le règlement de la base de loisir, le 12 juillet. Cette décision est provisoire, le juge des référés ne statuant pas sur le fond de l’affaire, qui devra faire l’objet d’une nouvelle audience devant la justice administrative. À l’audience, Richard Trinquer a notamment évoqué la "présence de plus en plus importante de signes religieux", faisant "obstacle au vivre-ensemble" dans sa commune.

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"Je suis un précurseur car je combats pour la laïcité", explique l’élu au quotidien Libération. "Le vrai problème est le vide juridique qui existe en France autour des questions relatives à la pratique de l’islam dans les établissements publics", ajoute-t-il.

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"Ras-le-bol ! Vive le christianisme (…) !"

Problème, le quotidien français est allé fouiner du côté des comptes de Richard Trinquier sur les réseaux sociaux. Et, bien que l’élu ait semble-t-il fait le ménage le 21 juillet, Libération en a ressorti quelques "perles" qui s’éloignent quelque peu des valeurs républicaines. Si l’on peut aujourd’hui y apprendre comment "ouvrir une bouteille sans tire-bouchon", à l’époque, on pouvait ainsi y lire : "L’islam va nous avaler !". Ou : "J’ai tant de rage contre ceux qui […] nous imposent des centaines de milliers de Rachida et de Mohammed". Et encore : "Ras-le-bol ! Vive le christianisme, vive le patrimoine laissé par Hugues Capet".

J’ai tant de rage contre ceux qui […] nous imposent des centaines de milliers de Rachida et de Mohammed, écrit-il sur Facebook.

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En octobre 2012, Richard Trinquier partage même un photomontage du meilleur goût, intitulé "Photo de famille". "Une mère et une fille voilées de la tête aux pieds et vêtues de noir, y sont assimilées à deux grands sacs poubelle qui les encadrent", explique Libération.

Le maire qui voulait porter une arme

L’élu UMP de Wissous, localisé à l’extrême-droite de l’UMP, n’en est pas à son coup d’essai. Maire depuis 1995, il avait décidé d’équiper sa police municipale de .357 Magnum et de fusils à pompe, puis, en 2004, de Taser, alors que l’arme n’était pas encore homologuée. Juste après sa première élection, il avait même signé un arrêté qui l’autorisait à porter une arme dans l’exercice de ses fonctions. Le Conseil d’État avait néanmoins décidé d’invalider cette dernière initiative.

Certaines de mes amies n’osent plus sortir de peur d’être prises à partie par des gens de la municipalité, assure une plaignante.

Cette fois, Richard Trinquier pourrait affronter une plainte au pénal, qui doit être déposée mercredi 30 juillet pour "discrimination et incitation à la haine raciale". Il faut dire que le maire est plutôt vidicatif. Quelques jours après la décision du tribunal de Versailles, qui a suspendu le règlement intérieur de "Wissous Plage", il a publié sur sa page Facebook le jugement avec les noms et adresses des plaignantes.

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Signalée aux modérateurs, la publication a été retirée du réseau social. Qu’importe ! Richard Trinquier fait dans la surenchère et a fait afficher l’ordonnance en mairie et à l’entrée de sa ville. "Certaines de mes amies n’osent plus sortir de peur d’être prises à partie par des gens de la municipalité", résume l’une des plaignantes dans Libération, tandis qu’une association musulmane a déjà reçu des menaces.

"Elles ont répondu à visage découvert aux sollicitations des médias", explique le maire indélicat qui estime ne pas voir pourquoi il devrait "préserver leur identité". "J’ai la loi française de mon côté", conclut-il. Qu’on se le dise : avec une arme à la ceinture ou non, à "Wissous Plage", le shérif est prêt à tout.

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Par Mathieu OLIVIER

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