Milliardaires africains : l’argent ne fait pas le bonheur… des pauvres

La récente étude du Wealth Report sur la multiplication des milliardaires africains et le nouveau rapport du PNUD sur les mauvais résultats du continent en terme de développement humain ne sont pas contradictoires. Ils démontrent chacun à leur manière que l’Afrique est devenu un champion mondial des inégalités.

Les milliardaires africains sont comme une cerise sur un océan de difficultés. © Glez/J.A.

Les milliardaires africains sont comme une cerise sur un océan de difficultés. © Glez/J.A.

Publié le 28 juillet 2014 Lecture : 3 minutes.

Si l’économie africaine était une recette de cuisine, nul doute qu’elle appartiendrait au registre du sucré-salé, voire du sucré-amer. Car si la vie des crésus africains semble de plus en plus doucereuse, celle des "gens d’en bas" confine à une amertume fataliste. La récente étude du Wealth Report confirme le premier constat, tandis que le nouveau rapport du PNUD sur le développement humain démontre le deuxième volet de l’observation.

"Champagne pour tout le monde !", pourrait-on s’écrier en constatant que l’augmentation du nombre de milliardaires africains accompagne une croissance économique soutenue sur le continent. Comme l’indique la nouvelle étude du Wealth Report, réalisée chaque année par le cabinet immobilier Knight Frank, c’est en Afrique que le nombre de multimillionnaires va croître le plus. La cohorte des milliardaires africains devrait ainsi augmenter de 52% au cours de la prochaine décennie, connaissant ainsi la plus forte progression mondiale. Le cercle des très riches s’élargira notamment en Côte d’Ivoire, en Tanzanie, en Éthiopie, au Ghana et au Nigeria.

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Cercle vertueux ?

Ne faut-il y voir que la prouesse d’happy few sur le dos des masses laborieuses ? Les sacro-saints experts de la macroéconomie se gargarisent, en dépeignant un cercle économique vertueux sur un continent traditionnellement cantonné au rôle de galérien du monde. L’incontournable FMI annonce une croissance subsaharienne de 5,7% par an jusqu’en 2018, performance qui devrait profiter d’un fort essor démographique. Destination attractive pour les investisseurs étrangers, l’Afrique devrait bénéficier, ici ou là, de booms dans l’immobilier, l’énergie, les télécoms ou le tourisme. Clou du feu d’artifice économique annoncé, le marché du luxe devrait croître en Afrique plus qu’ailleurs, les études démontrant que les fortunés africains sont les plus disposés à dépenser. C’est ainsi à la vitesse d’un supersonique que le continent serait en train de combler son retard en nombre de jets privés. Mais…

Dans le triste tableau du PNUD, l’Afrique tient le bas du pavé.

Mais "l’argent ne fait pas le bonheur des pauvres", disait l’humoriste français Coluche. C’est ce que tend à montrer le rapport sur le développement humain dans le monde rendu public, le 24 juillet, par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Si le document a chaque année un nouveau titre –en 2014 "Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience"–, il décline pratiquement les mêmes conclusions, quand bien même la planète s’approche de la date de la théorique réalisation des Objectifs du Millénaire. Le couperet mondial est encore tombé : 2,2 milliards de personnes vivent en situation de pauvreté dite "multidimensionnelle" et 1,2 milliard de personnes ne disposent que d’un revenu inférieur ou égal à 1,25 dollar par jour.

Richesses naturelles et pauvreté

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Dans ce triste tableau, l’Afrique tient le bas du pavé. Alors que le rapport sur le développement humain 2014 classe 187 pays, les 18 derniers sont africains. En queue de peloton : la Sierra Leone, le Tchad, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo et, bon dernier, le Niger pourtant riche de ses gisements d’uranium.

Faut-il s’étonner de la concomitance de ce mauvais classement onusien et des performances africaines en matière de "riches des riches ?" Pas tant que ça, si l’on en croit d’autres études de l’ONU qui s’intéressent au coefficient de Gini, indicateur qui établit la dispersion des revenus dans une population.

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Ces rapports établissent que les pays qui connaissent les meilleures progressions en termes de revenus sont aussi ceux qui abritent les niveaux d’inégalité les plus élevés. La cohabitation entre croissance économique et pauvreté pourrait même perdurer en Afrique, notamment en Afrique australe. Parmi les champions de l’inégalité, la Namibie et l’Afrique du Sud se partagent régulièrement les places du podium avec Haïti.

L’apparition de nouveaux riches africains serait donc un phénomène qu’on pourrait décrire comme la cerise des uns, sur la galère des autres.

>> Retrouvez tous les dessins de Damien Glez ici

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Damien Glez

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