Décès de Gabriel García Márquez : hommage à « Gabo » le magnifique…

L’écrivain colombien et prix Nobel de littérature Gabriel García Márquez est décédé à Mexico, jeudi. Il avait 87 ans.

Gabriel García Márquez, qui vient de recevoir le prix Nobel de littérature, le 25 octobre 1982. © Hasse Persson/AFP

Gabriel García Márquez, qui vient de recevoir le prix Nobel de littérature, le 25 octobre 1982. © Hasse Persson/AFP

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Publié le 18 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Il se raconte, et ce n’est peut-être pas vrai mais nous n’avons ni les moyens ni la moindre envie de le vérifier, qu’au jour de la naissance de Gabriel García Márquez à Aracataca, en Colombie, le 6 mars 1927, une tempête déchaînait les cieux. Le vent et la pluie apportaient certainement avec leur furie les paroles placées dans la bouche de Prospero par un certain William Shakespeare, 316 ans plus tôt : "Nous sommes de la même étoffe que les songes, et notre vie infime est cernée de brouillard… / Nous sommes de l’étoffe dont les rêves sont faits, notre petite vie est cerclée d’un sommeil." Près de neuf décennies plus tard, si l’on en croit une mesure temporelle à la fois rationnelle et extrêmement ennuyeuse, le grand sommeil a rattrapé l’auteur démiurge qui n’aimait rien tant que défier le temps. "Le problème avec la mort, c’est qu’elle dure pour toujours…", avait coutume de dire "Gabo" avant de s’éteindre à Mexico, ce jeudi 17 avril.

Mais cette vie qu’il vivait "pour la raconter" s’est sans aucun doute étendue sur bien plus que quatre-vingt sept ans et ne fut pas, loin de là, un siècle de solitude. Parce que s’il fallait ne retenir qu’une chose de l’œuvre de Gabriel García Márquez, c’est peut-être sa faculté d’ajouter de la vie à la vie et de l’extraordinaire à l’existence. Lui même n’a-t-il pas vécu bien avant sa naissance, dans les histoires que lui racontait son grand-père, le colonel Nicolas Ricardo Marquez Mejia, et dans l’imaginaire mythico-magique de sa grand-mère, Tranquilina Iguaran Cotes ? Le village de Macondo, qui revient à plusieurs reprises dans ses romans est en fait le nom d’une bananeraie visitée avec son grand-père, probable vestige de la présence de l’United Fruit Company, entreprise américaine qui fit le bonheur et le malheur d’Aracataca – en 1928, quelques 1 000 grévistes employés par l’industrie bananière furent massacrés par l’armée colombienne près de Cienaga.

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Envoûteur savant

L’attention que l’écrivain accordait à chaque existence, aussi "minuscule" fut-elle, allait de pair avec un intérêt marqué pour l’Histoire et une observation entomologique des mœurs étranges propres aux puissants. Alors bien sûr, les vautours chrono-nécrologiques fileront droit au but, narrant l’amitié avec Fidel Castro et tel article soumis à la relecture du maître de Cuba sur l’intervention militaire en Angola. Rappelleront le coup de poing balancé par Mario Vargas Llosa – dont on ne saura peut-être jamais s’il était motivé par des raisons politiques ou par une pulsion plus triviale ayant trait à la femme du romancier péruvien… S’extasieront sur le prix Nobel de littérature reçu en 1982, se souviendront des années de galères et de la gloire mondiale, feront une tambouille avec les grandes dates d’une vie bien remplie au cours de laquelle les expériences du journaliste nourrirent la plume ébouriffante du romancier.

Sa vie fut un labyrinthe fait de tours et de détours où chaque personne rencontrée pouvait devenir personnage d’une histoire grandiose, magnifiée et diaboliquement humaine.

Envoûteur savant, Gabo avait pourtant il y a quelques années donné le la de ce qui pouvait être son autobiographie : un labyrinthe fait de tours et de détours où chaque personne rencontrée, simple ou puissante, pouvait devenir personnage d’une histoire grandiose, magnifiée et diaboliquement humaine. De l’histoire de ses grands-parents, il fit L’Amour au temps du choléra. D’Aracataca, il fit le Macondo universel de Cent ans de solitude. Des dictateurs comme le vénézuélien Juan Vicente Gomez, il fit L’Automne du Patriarche, "synthèse de tous les dictateurs d’Amérique latine". "L’appétit pour le pouvoir est le résultat d’une incapacité à aimer", résumait-il. La Colombie, qui perd son plus célèbre héraut, est en deuil pour trois jours. L’humanité, elle, a l’éternité pour lire et relire Gabriel García Márquez.

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Par Nicolas Michel

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