Retombées radioactives sans retombées médiatiques

Le vent des années 60 a transporté un nuage radioactif, après un essai nucléaire français en Algérie. Mais qui sème le vent ne récolte pas toujours la tempête. Après de récentes révélations, la prévisible tornade médiatique semble bénigne.

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 19 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Le nucléaire ne fait-il plus bondir les tiers-mondistes ? Ou l’Afrique a-t-elle d’autres chats à fouetter que de s’occuper de maladies plutôt invisibles ? Il y a pourtant matière à scandaliser les populations du continent. Il y a quelques semaines, le ministère français de la Défense déclassifiait des documents sur les essais nucléaires français des années 60 dans le Sahara. Jusque-là classée secret-défense, une carte s’attarde sur les effets de la première bombe A française, explosée le 13 février 1960. Six fois plus puissant que celui largué sur Hiroshima en 1945, l’engin explosif fut baptisé "Gerboise bleue".

Un nuage gorgé de radioéléments comme l’iode 131 ou le césium 137.

La carte dont les vétérans des campagnes d’essais nucléaires français ont obtenu la déclassification indique la propagation et la densité des retombées radioactives suite à la déflagration. Bien au-delà de l’Algérie et du sud de l’Europe, des nations d’Afrique subsaharienne furent survolées par un nuage gorgé de radioéléments comme l’iode 131 ou le césium 137. Au fil des heures, et jusqu’au treizième jour suivant l’explosion, des zones du Tchad, du Niger, du Nigeria, du Burkina Faso, de la Libye, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Mauritanie et même de la Centrafrique furent recouvertes.

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>> Lire aussi : l’histoire du premier essai nucléaire français

Perplexité ? Incrédulité ? En Afrique, les réactions officielles semblent pour l’heure bien timides. Bien sûr, la presse d’Algérie, épicentre de l’explosion, évoque des "mensonges d’État" rattrapés par une bien cruelle vérité historique. Le quotidien El-Watan parle d’une "carte qui fait froid dans le dos". Bien sûr, le pouvoir algérien, par la voix de son ministre des Combattants, indiquait dimanche que le règlement de ce dossier restait un "thème à débat jusqu’à obtention par l’Algérie de tous ses droits". Mais l’Afrique subsaharienne tarde à réagir.

Hésite-t-on simplement à froisser les dirigeants français ?

Est-ce parce que le secret n’était que de polichinelle et que le scoop n’en est un que pour les populations sous-informées ? Est-ce parce que le ministère français de la Défense – aujourd’hui peu loquace – affirmait, à l’époque des essais, que les taux de radioactivité enregistrés étaient faibles et sans conséquences ? Faudrait-il donc se résigner à croire un menteur d’antan, même d’État ? Et comment ignorer ce que les progrès de la médecine ont enseigné depuis la présidence du général de Gaulle : de faibles doses de radioactivité peuvent déclencher des cancers et des maladies cardio-vasculaires, même plusieurs décennies après ? Hésite-t-on simplement à froisser les dirigeants français qui, aujourd’hui, se présentent comme les sauveurs d’une Afrique noire percluse de tensions interreligieuses et interethniques ?

Les quelques médias européens qui se montré curieux de réactions africaines sur la déambulation du nuage radioactif n’ont eu d’autres choix que de faire des micros-trottoirs dans certaines rues africaines. Les réactions populaires sont évidemment celles de l’indignation. Les plus modérées attendent des explications qui ne s’annoncent guère. D’autres s’indignent que l’Afrique soit toujours le lieu de prédilection des apprentis-sorciers, en amont quand il s’agit de tester des bombes nucléaires, en aval quand il s’agit de se débarrasser de déchets toxiques. Les plus scandalisées réclament un accompagnement technique, voire des dédommagements avec révision des lois actuelles d’indemnisation des victimes algériennes. Le nuage des protestations va-t-il dériver jusqu’à Paris ?

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Damien Glez

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