Le Botswana et l’enjeu économique des avions de combat légers

Laurent Touchard travaille depuis de nombreuses années sur le terrorisme et l’histoire militaire. Il a collaboré à plusieurs ouvrages et certains de ses travaux sont utilisés par l’université Johns-Hopkins, aux États-Unis. Focus sur les négociations en cours entre la Corée du Sud et le Botswana pour la vente d’avions de combat légers, un marché d’avenir sur le continent où la concurrence sur ce créneau est pourtant embryonnaire.

Publié le 24 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

"Partenaire des plus capables" des États-Unis en Afrique, le Botswana dispose de forces armées de petite taille, mais bien entraînées (par exemple, un important exercice multilatéral s’est tenu en octobre, à Swakopmund, en Namibie). Le pays aligne aussi un matériel en bonne condition opérationnelle, régulièrement modernisé, taillé pour répondre aux menaces potentielles intérieures comme extérieures. Les forces armées batswana sont ainsi impliquées dans la lutte contre le braconnage, elles ont déployé des éléments en Somalie, au Lésotho, au Darfour. De plus, elles participent activement au développement de la Brigade des Forces Africaines en Attente (FAC) de la zone (SADCBRIG ; Southern Africa Development Community Brigade). Le centre de planification pour la FAC du sud de l’Afrique est d’ailleurs implanté à Gaborone, capitale du Botswana.

Dans ce contexte et au nom d’une politique de défense qui se veut cohérente, se pose une question. Par quoi remplacer des chasseurs-bombardiers qu’aligne aujourd’hui le Botswana : 9 CF-5A et 5 CF-5B (version canadienne du F-5 Freedom Fighter désigné CF-116 au Canada) ? Reçus en 1996 et 2000, bien que rénovés, ces appareils vieillissent dangereusement avec pour conséquences, des risques accrus d’accidents, une augmentation du coût de l’heure de vol (davantage de maintenance)… De fait, la visite à Gaborone d’une délégation de militaires sud-coréens, emmenée par un général deux étoiles, du 23 au 28 novembre 2013, n’est pas le fruit du hasard. Si les autorités batswana démentent les rumeurs d’achat d’avions d’entraînement et d’attaque légère T-50 et TA-50, des indiscrétions (à dessein ?) côté sud-coréen affichent clairement la nature de ce voyage : faire la promotion du nouvel avion du Pays du matin calme afin de le vendre. À la mi-décembre, est indiqué que "des discussions sont en cours"…

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Différentes versions

"Bébé" du conglomérat industriel Korea Airspace Industries (KAI) avec Daewoo, Hyundai et Samsung, l’appareil "50" se décline en différentes versions : T-50 pour l’entraînement avec des capacités d’attaque légère, TA-50 pour l’entraînement, l’attaque légère et accessoirement la chasse, enfin, le FA-50 véritable chasseur-bombardier miniature, conçu comme le furent le F-5 puis le F-16 aux États-Unis en d’autres temps (comme des avions performants, de "sophistication évolutive" et économiques à l’achat et à l’utilisation). Ce dernier est destiné à remplacer les F-5E de la force aérienne sud-coréenne (59 FA-50 prévus en 2016) tandis que le T-50 équipe désormais l’Indonésie, que l’Irak en a commandé 24 exemplaires, qu’il est attendu par les Philippines, est en lice dans la compétition pour un avion d’entraînement en Pologne, intéresse l’Espagne, l’Azerbaïdjan…

La seule faiblesse partagée par les avions de ce gabarit réside dans un rayon d’action/charge offensive limités.

L’objectif de KAI est ambitieux : vendre 1 000 "50" au cours des trois prochaines décennies. Évidemment, l’Afrique constitue un marché d’importance. Durant ces trente ans, plusieurs pays du continent devront trouver un successeur efficace, mais financièrement abordable, aux MiG-23, MiG-21, Mirage F1, Su-25, Impala, Alpha Jet… Pourtant, en dehors d’appareils de seconde main (d’un coût d’utilisation généralement élevé) et à l’exception des Russes avec le Yak-130 vendu à l’Algérie, des Chinois avec le K8 (fourni à la Zambie et à l’Égypte), avec quelques L15 vendus sur le continent africain, l’offre existe à peine. D’autant plus que K8, L15 et dans une certaine mesure Yak-130, sont techniquement inférieurs aux "50". La seule faiblesse partagée par les avions de ce gabarit réside dans un rayon d’action/charge offensive limités.

Enjeu économique

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Le marché potentiel du remplacement des F-5 batswana constitue donc un enjeu économique important. En provoquant son ouverture et en le remportant dans la foulée, KAI mettrait ainsi un pied Afrique où la concurrence en la matière, est pour l’heure des plus réduites. En faisant ce choix, outre de se procurer un avion versatile en adéquation avec son budget, le Botswana ne prêterait plus le flanc aux critiques récurrentes de la part de nombreux pays de la SADC, quant à sa proximité diplomatico-militaire avec Washington, ce même si Lockheed Martin est grandement impliqué dans la fabrication de l’avion en question.

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