Rinaldo Depagne : « Le départ de Compaoré devrait créer un vide »

Rinaldo Depagne est analyste principal en charge de l’Afrique de l’Ouest pour le think tank International Crisis Group, qui a publié un rapport en juillet intitulé : « Burkina Faso : avec ou sans Compaoré, le temps des incertitudes ». Pour Jeune Afrique, il analyse ce que pourraient être les effets d’un retrait – hypothétique – de Blaise Compaoré en 2015.

La Constitution actuelle ne permet pas à Blaise Compaoré de se représenter en 2015. © AFP

La Constitution actuelle ne permet pas à Blaise Compaoré de se représenter en 2015. © AFP

Publié le 18 novembre 2013 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Si Blaise Compaoré passe la main en 2015, peut-on craindre une implosion du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et une déstabilisation du pays, à l’image de ce qu’il s’est passé en Côte d’Ivoire après la mort d’Houphouët-Boigny ?

Rinaldo Depagne : C’est un risque. Blaise Compaoré n’est certes pas le père fondateur de la nation burkinabé, mais il est président depuis vingt-six ans, soit plus de la moitié de l’existence indépendante du Burkina Faso. Une telle figure politique ne se retire pas de la scène sans laisser derrière lui un vide et une éventuelle bataille de succession entre les prétendants à son poste. Blaise Compaoré est le ciment du CDP qui est un parti composite créé en 1996 après la fusion de 14 formations politiques. Il n’est pas évident que le CDP se trouve un nouveau chef aussi incontesté et capable de maintenir l’unité de ce parti. Cela dit, le CDP peut, tout comme le PDCI, survivre au retrait de son fondateur.

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Quelles pourraient être les conséquences régionales si Blaise Compaoré quittait le pouvoir ?

Les conséquences sont très incertaines. Compaoré devrait logiquement créer un vide dans une région qui a acquis une sorte de réflexe consistant à faire appel à ses services pour régler, ou du moins contenir, la quasi-totalité de ses crises. Sans point de référence, l’Afrique de l’Ouest risque de se retrouver, pour plusieurs mois ou plusieurs années, plus divisée qu’elle ne l’est actuellement, en particulier si la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR] ne consolide pas davantage ses propres mécanismes institutionnels et si la diplomatie nigériane ne s’affirme pas. Mais l’absence de Compaoré sur la scène régionale peut être envisagée autrement que comme un problème. Elle peut être une opportunité pour trouver un ou plusieurs chefs d’État prêts à jouer des rôles de médiateur ou de facilitateur tout en incarnant davantage dans leurs propres pays les principes démocratiques défendus par la Cedeao.

L’armée burkinabè est aussi silencieuse que le président qui l’a façonnée au cours des deux dernières décennies.

L’armée peut-elle jouer un rôle en 2015 ?

Cela reste une énigme. L’armée burkinabè est aussi silencieuse que le président qui l’a façonnée au cours des deux dernières décennies. Il est très difficile de savoir ce qui s’y trame. Les mutineries de 2011 ont cependant montré que l’armée, en particulier sa base, n’était pas aussi disciplinée qu’on le pensait. Des reformes ont été engagées par le pouvoir pour la réorganiser et éviter que ces graves incidents ne se reproduisent. Depuis l’indépendance, le Burkina est traversé par une grande dynamique : à chaque fois qu’un régime a tenté d’imposer trop fortement son autorité, s’est montré incapable de gouverner, ou a imposé un contrôle trop inégalitaire des ressources du pays, il a fini par être renversé, par la rue ou par l’armée.

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Propos recueillis par Rémi Carayol

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