Bénin – Affaire Talon : les dessous d’un non-lieu

En tentant de s’enfuir du Bénin juste après avoir prononcé, le 17 mai, deux ordonnances de non-lieu dans les affaires d’empoisonnement puis de tentative de coup d’État contre le président béninois Boni Yayi, le juge du 6e cabinet du Tribunal de première instance de Cotonou, Angelo Houssou, a pris tout le monde de court. Retour sur un véritable roman policier… bien réel.

Patrice talon a été proche du président béninois Boni Yayi. © Ty/Erick Ahounou

Patrice talon a été proche du président béninois Boni Yayi. © Ty/Erick Ahounou

Fiacre Vidjingninou

Publié le 20 mai 2013 Lecture : 3 minutes.

« Je l’avais trouvé un peu préoccupé ces derniers jours, nous a confié un ami d’enfance du juge Angelo Houssou qui a souhaité garder l’anonymat. Il me disait qu’il devait faire un choix difficile pour le reste de sa carrière, sans vouloir me donner plus de précision. »

La décision difficile, le juge Angelo Houssou l’a prise, le vendredi 17 mai en prononçant deux ordonnances de non-lieu contre Patrice Talon, dans les affaires d’empoisonnement et de tentative de coup d’État contre la personne du chef de l’État béninois, Boni Yayi. Juste avant de tenter de quitter le pays vers le Nigeria et d’être finalement arrêté et reconduit chez lui, où il est désormais tenu en résidence surveillée.

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« L’affaire Talon » secoue les milieux politico-financiers du Bénin depuis de nombreux mois. L’ancien proche de Boni Yayi et businessman à succès, Patrice Talon est en effet accusé d’avoir tenté d’empoisonner le président et d’avoir souhaité sa destitution. Des accusations qui l’ont poussé à se réfugier en France.

Le tribunal de Paris devait se prononcer le 22 mai sur la demande d’extradition émise par le même juge d’instruction qui vient de se rétracter en déclarant des non-lieux et en réclament la levée de sa demande d’extradition. Des juges du tribunal de Paris devraient formuler prochainement une demande de complément d’informations à Cotonou.

La décision du juge Houssou a donc pris tout le monde de court. Certains commencent à y voir l’influence de cercles proches de Patrice Talon. « Ce juge a d’abord décidé de la mise en accusation, de l’incarcération et de la demande d’extradition de Patrice Talon et de ses supposés complices, s’insurge Alexandre Hountondji, le conseiller aux affaires politiques de la présidence. Et, à moins d’une semaine de la décision de Paris, il se rétracte. C’est fou ! »

Résidence surveillée

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La tentative de fuite vers le Nigeria du juge Houssou, quelques heures après ses déclarations, ne plaide en effet pas en sa faveur.

Vendredi autour 15 heures, après avoir transmis à son secrétariat les ordonnances qu’il venait de prendre, Angelo Houssou a pris son véhicule pour rejoindre deux amis, Nazaire Houéssinon et Modjossiola Kassirath Salami, au quartier PK10 à la sortie de Cotonou. Là, il a changé de véhicule et embarqué dans une nouvelle voiture censée les conduire jusqu’à Lagos. Houssou devait y prendre un vol à destination de New York.

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Mais le convoi est intercepté à 20h15 à la frontière de Sèmè-Kraké. Ramené à Cotonou par le directeur général adjoint de la police, Nazaire Hounnonkpè, Houssou passe la nuit de vendredi à samedi dans les locaux de la direction de la police, dans le quartier de Ganhi, avant d’être raccompagné à son domicile vers 10 heures, sous escorte policière. Depuis, sa résidence est surveillée  par la brigade anti-criminalité.

Selon l’avocat de Patrice Talon, Me Joseph Djogbénou, « le juge n’a fait que constater la vacuité du dossier. En conséquence de quoi, dans l’affaire de tentative d’empoisonnement du président, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu pour les raisons qu’il a développées et qui l’ont conduit à ordonner la main levée des mandats qui ont été délivrés, la mise en liberté d’office des personnes qui sont en détention. Il a ordonné également dans ce dossier la main levée du mandat d’arrêt délivré à l’encontre de monsieur Talon. »

« Faux ! rétorque le conseil de Boni Yayi, Me Kato Atita. Ils ne pourront pas recouvrer la liberté après le prompt appel du Procureur de la république, Justin Gbénameto, qui représente les intérêts du Bénin dans ces dossiers. Je suis serein. Devant la chambre d’accusation, il y aura les plaidoiries, des échanges de pièces et les juges vont nous écouter. »

Suite, donc, au prochain épisode, lors des plaidoiries des avocats de Boni Yayi et du procureur…

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Par Fiacre Vidjingninou, à Cotonou

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