La lusophonie à l’heure des choix

Avec près de 240 millions de locuteurs dans le monde, contre 220 millions de francophones, la lusophonie est en plein boom mais reste un nain politique. Réunie en sommet le 20 juillet à Maputo, son organisation de coopération multilatérale, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), étudie la délicate question de l’élargissement vis à vis d’un pays africain hispanophone, la Guinée Équatoriale. Explications.

Le ministre angolais des Relations extérieures Georges Chikoti (G) et son homologue portugais. © AFP

Le ministre angolais des Relations extérieures Georges Chikoti (G) et son homologue portugais. © AFP

Publié le 20 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

La CPLP, c’est la vitrine de la lusophonie. Après seize ans d’existence, elle semble avoir atteint une certaine maturité, même si elle n’est encore qu’un poids plume sur la scène internationale. À cet égard, le sommet de l’organisation qui a lieu ce 20 juillet 2012 à Maputo, verra peut-être l’organisation s’étoffer d’un nouveau membre : l’adhésion de la Guinée Équatoriale de Theodoro Obiang Nguema est en effet au cœur des discussions. Comment un pays hispanophone, qui plus est très critiqué au sujet des droits de l’homme, pourrait-il y adhérer ? La question divise à la fois les États membres et leurs sociétés civiles.

Une expansion pleine de défis

D’une vitalité démographique et institutionnelle indéniable, la lusophonie fait aujourd’hui face aux défis que lui impose son expansion. Avec près de 240 millions de lusophones dans le monde, contre 220 millions de francophones, le portugais est la sixième langue la plus parlée dans le monde. « L’expansion de cette langue est principalement assurée par le Brésil, où se trouvent 80% des lusophones du monde, explique Michel Cahen, historien français spécialiste de l’Afrique lusophone. Mais les autres pays lusophones, majoritairement africains, ne sont pas en reste, selon lui.

À l’instar de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), les pays lusophones ont aussi créé un organe de coopération multilatérale : la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). Créée en 1996, soit vingt six ans après l’OIF, la CPLP compte actuellement huit pays membres : le Portugal, le Brésil, le Timor Oriental et cinq pays africains, l’Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique, Sao Tomé et Principe.

Plus que la simple promotion de la langue portugaise, les domaines de coopération sont nombreux et se sont multipliés au fil des années : organisation de « Jeux sportifs », lutte contre le narcotrafic, technologies, diplomatie… Dernier exemple en date : après le putsch du 12 avril dernier en Guinée-Bissau, les ministres de la CPLP réunis en conseil extraordinaire ont adopté une position commune sur les « sanctions à imposer aux militaires et civils impliqués dans le coup d’État ». L’Angola, qui assurait la présidente tournante de l’organisation, avait ensuite défendu la position de cette dernière au Conseil de sécurité de l’ONU, à New York.

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« Certains pays comme Sao Tomé et Principe sont favorables à cette entrée, alors que d’autres, dont le Portugal, montrent plus de réticences », explique Ana Lucia Sa, chercheuse portugaise, spécialiste de la Guinée équatoriale. Plusieurs ONG portugaises, mozambicaines ou angolaises ont lancé le 11 juin dernier le mouvement « Por uma Comunidade de Valores » (Pour une communauté de valeurs) et sont bien décidées à faire entendre leur voix.

Intérêt économique

Avec pas moins de 520 000 barils produits par jour, la Guinée Équatoriale est le troisième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne. « Pour les États membres de la CPLP, l’intérêt est essentiellement économique, décrypte Jean-Marc Lefebvre, président de l’Association France – Guinée Équatoriale. Accueillir dans ses rangs un État pétrolier est une aubaine difficile à refuser…» D’autant plus difficile, que les ressources de la CPLP sont faibles. Malgré l’opacité qui entoure son budget, on sait que ce dernier (constitué des cotisations des États membres) était d’un peu moins de 2 millions d’euros en 2011 pour son secrétariat exécutif. Loin, très loin, donc, des 80 millions d’euros affiché annuellement en moyenne par l’OIF.

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L’organisation est t-elle prête à franchir le pas d’une realpolitik assumée ? Les jeux sont ouverts. Du côté équato-guinéen, la confiance règne. Fin juin, Pedro Ela Nguema Buna, ministre délégué des Affaires étrangères et de la Coopération déclarait avec assurance : « Nous avons déjà le dossier complet que nous présenterons au sommet de Maputo où nous serons membres à part entière ».

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