Maroc : à Asilah, l’exposition « horizons croisés » questionne les Printemps arabes

La ville marocaine d’Asilah accueille la 34e édition du Moussem culturel international et met à l’honneur les artistes du Maghreb avec l’exposition « Horizons croisés » qui présente des œuvres des années 1960 à nos jours. Visite guidée.

Une installation de Mohamed El Baz présentée à Asilah. © Marie Villacèque, pour J.A.

Une installation de Mohamed El Baz présentée à Asilah. © Marie Villacèque, pour J.A.

Publié le 30 juin 2012 Lecture : 2 minutes.

Des têtes de mort sont dessinées sur les murs. Sur chacune d’elles, une des orbites est cachée par un des drapeaux des pays d’Afrique du nord, de l’Égypte au Maroc. Au milieu de la pièce, sur un tapis, des microphones sur pieds sont tournés vers l’extérieur. « J’ai voulu faire de ces têtes, des borgnes, et enlever aux drapeaux leurs couleurs. Le tapis oriental, tissé de façon régulière et précise, est déstructuré », explique l’artiste marocain Mohamed El Baz.

« Mon point de vue peut sembler dur, mais c’est une sorte de regard posé sur nous, les Arabes : qui sommes-nous, où voulons-nous aller ? ». Une question qui renvoie directement à l’actualité du Maghreb, qui est au cœur du 34e Moussem culturel international d’Asilah, festival créé par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, désormais maire de la ville.

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Dans cette petite cité balnéaire blanche et bleue située à 35 km de Tanger, El Baz et dix-sept autres artistes ont été invités par l’historien d’art marocain Brahim Alaoui à exposer leurs œuvres dans son exposition « Horizons croisés », l’une des manifestations phares du festival. Sans chronologie aucune, des travaux d’artistes des années 60 côtoient ceux de la génération actuelle. « On parle souvent d’émergence de la scène artistique arabe, mais on la coupe de son histoire. J’ai voulu montrer l’évolution qui s’est opérée avant les années 2000 », souligne Alaoui. « Au début, les artistes revendiquaient une identité locale. Aujourd’hui,ils cherchent à être reconnus sur la scène internationale. Leur point commun est le regard qu’ils portent sur leur culture d’origine ».

Métaphore

Sur les murs blancs qui entourent le patio du Centre Hassan II, au cœur de la Médina, l’une des toiles de la Franco-Marocaine Amina Benbouchta, montre la condition de la femme dans les pays arabes, illustrée par une cage, tandis que l’Algérienne Zoulikha Bouabdellah expose un échantillon des 365 mots arabes liés à l’amour qu’elle a tracé au vernis rouge. Les personnages en pleine méditation ou les fils barbelés de l’Algérien Yazid Oulab, qui vit en France, évoquent quant à eux une culture algérienne parfois violente et qui s’interroge sur elle-même.

Pour chaque œuvre, une métaphore est présente. « On ne peut pas faire semblant d’ignorer certaines problématiques, le politique, le religieux, le corps », insiste Mohamed El Baz. « Au Maroc, j’ai le sentiment que les autorités ont compris qu’elles devaient accepter l’histoire qui est désormais en marche ». Une position que confirme son compatriote et peintre Mohamed Mourabiti dont les toiles s’inspirent du monde culturel religieux du Maroc. « À la différence de l’Égypte par exemple, l’État marocain ne finance pas l’art, ce qui laisse une certaine liberté de ton à ses acteurs. »

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Au cœur de l’exposition se trouvent les silhouettes féminines voilées de la Tunisienne Meriem Bouderbala, qui n’a pu venir à Assilah. « La situation des artistes en ce moment en Tunisie est très grave », explique sa compatriote Amel Bennys dont le tableau exposé « Facebook » rappelle un écran d’ordinateur. Elle évoque les récentes dégradations d’œuvres contemporaines à Carthage. « Nous devons être aux aguets, mais continuer d’interpeler par notre travail. La société a besoin d’artistes ».

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Par Marie Villacèque, envoyée spéciale à Assilah

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