Génocide rwandais : avec la fin des Gacaca, le pays clôt un chapitre de son histoire

Le Rwanda a officiellement clôturé, ce lundi 18 juin, les Gacaca, ces cours traditionnelles qui ont servi, dix ans durant, à juger les génocidaires.

Imaginées à la fin des années 1990, les Gacaca ont été formellement créées le 18 juin 2002. © AFP

Imaginées à la fin des années 1990, les Gacaca ont été formellement créées le 18 juin 2002. © AFP

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Publié le 18 juin 2012 Lecture : 2 minutes.

À Kigali, le siège de la chambre des députés du Rwanda porte toujours les stigmates – traces d’obus et de mitrailleuses – des violents combats qu’a connu la ville entre la fin juin et le début du mois de juillet 1994. Comme pour préserver, à la vue de tous, la mémoire toujours vive des drames qu’a connus le pays. Et c’est ici que s’est refermé, lundi 18 juin, un chapitre de cette histoire, avec la clôture officielle, par le président Paul Kagamé, des juridictions Gacaca (prononcer Gatchatcha) après tout juste 10 ans d’existence et plus d’1,9 millions de procès pour un million de personnes concernées.

Les Gacaca, inspirées de la justice traditionnelle rwandaise, ont été imaginées à la fin des années 1990, puis formellement créées le 18 juin 2002, pour faire face à un défi colossal. Le système judiciaire classique, ravagé par la guerre, les massacres et l’exil de certains magistrats, avançait à un rythme tellement lent, qu’il aurait fallu plus d’un siècle pour juger les seuls détenus en attente de jugement (120 000 d’entre eux engorgeaient alors les prisons).

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« Nous avions le choix entre trois possibilités, a déclaré Paul Kagamé dans son discours de clôture. Les deux premières, la vengeance ou l’amnistie générale, auraient mené à de nouveaux ravages. Nous avons préféré nous attaquer au problème […] avec nos mécanismes traditionnels de résolution des conflits ».

Les Gacaca – du nom de l’herbe sur laquelle ces participants s’assoient lors des audiences en plein air et en public – présidées par des personnes élues dans chaque village en l’absence de tout professionnel de justice, ont donc été créées pour juger les personnes accusées de crimes (assassinat, blessures, viol, vol…) liés au génocide des Tutsis, entre octobre 1990 et décembre 1994. Les responsables de pogroms anti-Tutsis pendant les années précédant le génocide, étaient eux aussi concernés.

Instaurer un dialogue

Ce système, fondé sur la parole et l’aveu – obtenu dans 20% des cas, il pouvait permettre des réductions de peines – avait aussi pour but de révéler la vérité en public, pour servir de base à l’apaisement et à la réconciliation. Les Gacaca ont ainsi permis d’exhumer de nombreux corps de fosses communes découvertes à cette occasion. Le processus n’a pas été sans accrocs : certains juges ont été corrompus, d’autres (nombreux) ont été destitués car eux-mêmes accusés de génocide, des témoins ont été intimidés, voir tués, des victimes ont été à nouveau traumatisées par les débats… Enfin, des accusés ont été injustement poursuivis (14% des procès ont abouti à un acquittement) et selon plusieurs ONG, plusieurs accusés ont avoué, sous la pression, des crimes qu’ils n’avaient pas commis.

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S’il n’a pas réglé tous les problèmes, ce processus unique aura permis de juger l’immense majorité des suspects de génocide, ainsi que d’instaurer un dialogue entre les rescapés et leurs bourreaux, qui n’avait jusque-là jamais pu avoir lieu.

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Pierre Boisselet, envoyé spécial à Kigali
 

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