Tunisie : Souad Abderrahim, le pasionaria d’Ennahdha se dévoile

L’égérie du parti Ennahda, Souad Abderrahim, se révêle être une redoutable moralisatrice. Ses récents propos sur les mères célibataires tunisiennes et leur protection juridique a suscité un véritable tollé. Portrait d’une militante non voilée qui pourrait devenir présidente de la Assemblée constituante.

Depuis qu’elle vise le perchoir de l’Assemblée constituante, Souad Abderrahim durcit le ton. © AFP / Lionel Bonaventure

Depuis qu’elle vise le perchoir de l’Assemblée constituante, Souad Abderrahim durcit le ton. © AFP / Lionel Bonaventure

Publié le 10 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

En tailleur pantalon et brushing impeccable, elle cultive une allure des années 80. Un petit air de Sue Ellen, l’alcool en moins, bien-sûr. Car Souad Abderrahim est l’atout féminin du parti islamiste Ennahdha, qui a obtenu plus de 40 % des voix lors de l’élection de la Constituante, le 23 octobre dernier. Une femme non voilée, qui veut désormais s’installer au perchoir de la nouvelle assemblée tunisienne.

Toujours tirée à quatre épingles, cette pharmacienne de 47 ans a d’abord caché sa crinière fauve sous un voile, pendant ses années d’études à la faculté de médecine de Monastir. Au début des années 1980, elle commence à militer et à rencontrer des activistes comme Ajmi Lourimi, aujourd’hui membre du bureau politique d’Ennahdha. À l’époque, elle est déjà membre du bureau exécutif de l’Union générale des étudiants tunisiens (Uget).

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Les tensions entre les étudiants gauchistes et islamistes sont alors à leur apogée. Souad soutient qu’elle a tenté de « réconcilier les deux camps et de servir les intérêts des étudiants plus que ceux d’un camp politique ou une idéologie ». Son implication militante lui vaut 15 jours d’emprisonnement en 1985, alors qu’elle tentait simplement de calmer une violente querelle entre étudiants.

Image moderne

Désignée comme fauteuse de troubles, elle est dans le collimateur du ministère de l’Intérieur et est contrainte de quitter la faculté – elle ne reprendra que plus tard des études de pharmacie. Comme pour tous les militants islamistes, commencent vingt longues années hors de toute vie publique. Elle quitte son voile pour devenir président directeur général de Presta Pharm, grossiste en produits pharmaceutiques, se lance dans la vie associative et ne renoue avec l’activité politique qu’après la révolution du 14 janvier.

Présente dans toutes les rencontres publiques aux côtés des leaders d’Ennahdha comme Rached Ghannouchi, elle renvoie une image moderne aux antipodes du stéréotype de la femme islamiste soumise et fait taire les détracteurs du mouvement. Elle a fait sensation par des discours tolérants défendant, entre autres, les acquis des femmes et le Code du statut personnel tout en affirmant que la priorité des femmes est leur rôle de mères de famille.

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Tête de liste sur la circonscription de Tunis 2 sans être adhérente d’Ennahdha, cette mère de deux enfants a remporté un siège à l’Assemblée Constituante. Mais depuis les élections du 23 octobre, elle a changé de ton. La nahdaouie, qui possède 3 146 amis sur Facebook et qui déclare apprécier le rappeur « Psycho M », si controversé pour ses incitations à la violence, s’érige désormais en gardienne des bonnes mœurs. Surnommée « Souad Palin » en référence à Sarah Palin, la gouverneure républicaine de l’Alaska, elle a soulevé une vague d’indignation après avoir souhaité la fermeture des bars afin de ne pas heurter les sensibilités. Surtout, elle a attisé la colère des femme comme des hommes par des propos réactionnaires sur les mères célibataires.

"Les mères célibataires sont une infamie"

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Dans une interview à Radio Monte Carlo (voir ci-dessus), le 9 novembre, elle assène avec un aplomb sidérant que « les mères célibataires sont une infamie. Elles ne devraient pas aspirer à un cadre légal qui protège leurs droits». Alors qu’en Tunisie, quatre naissances par jour ont lieu hors mariage, Souad Abderrahim nie la réalité des familles monoparentales.

Pour elle, dans une société musulmane, « la famille ne doit pas être formée en dehors des liens du mariage ». Mais en dévoilant, intentionnellement ou non, sa pensée alors que les progressistes s’interrogent sur les réelles intentions des islamistes, Souad Abderrahim a provoqué un tollé dont les répercussions sont considérables.

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Par Frida Dahmani, à Tunis

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